En dix ans de règne (et même avant !), Ali Bongo a toujours pu compter sur le soutien indéfectible de l’armée gabonaise et cela n’est pas près de changer.
C’était le 27 décembre dernier au Camp Capitaine Ntchoréré de Libreville, une importante cérémonie militaire regroupait tous les hauts gradés des forces armées gabonaises avec un invité de la plus haute importance comme mentionné dans les convocations : Son excellence Ali Bongo Ondimba, président de la République, chef de l’Etat, chef suprême des armées.
Ali Bongo, en décembre dernier
La cérémonie est solennelle et Ali Bongo en uniforme de général (il arbore une casquette sur laquelle figure cinq étoiles !) qui se plie péniblement au protocole et aux honneurs est totalement ravi, mieux extatique.
Et lorsqu’il monte à la tribune pour délivrer son discours dans lequel il remercie en zozotant les militaires pour leur « loyalisme », entendez pour leur soutien sans faille au régime dont il est l’héritier, la troupe perd toute solennité et se met à acclamer « son chef suprême ». On peut même entendre dans les rangs « on est avec toi, Ya Ali », « On est ensemble » (son slogan de campagne lors de l’élection présidentielle anticipée de 2009).
Ali Bongo est porté aux nues par « ses » militaires et ce soutien ne date pas d’hier.
Le Coup d’état de septembre 2009
8 juin 2009, Omar Bongo meurt à l’hôpital Quiron, Barcelone après 42 ans de règne sans partage mais clientéliste. Celui qui avait tellement voulu être roi du Gabon en 1985 et avait fini Président à vie avait bien pris soin de préparer sa succession en nommant son fils aîné un peu plus de dix ans avant sa mort au poste stratégique de ministre de la Défense. Et comme prévu dans son dessein monarchique, Ali Bongo arriva au pouvoir, non pas par les urnes, mais par un coup d’état. En effet, l’armée (plus précisément les paras !) fait irruption dans le processus électoral et escorte le ministre de l’Intérieur qui proclame des résultats qui n’ont même pas été consolidés par la commission électorale ! Ali Bongo est déclaré « élu » avec 42% des voix ! Un remake de 1993, internet en plus !
Ali Bongo, ici lors de la fête nationale du 17-Août
« L’élection » d’Ali Bongo n’est pas acceptée et des émeutes éclatent. Mais l’armée est là pour faire passer la pilule à coups de crosse. Elle réprime sans ménagement comme elle l’a si bien appris. A Port-Gentil, la capitale économique du Gabon, la répression est tout simplement atroce. Ultime signe d’une « Présidence » qui se présente sous de funestes auspices et qui se montre digne héritière des plus féroces dictatures qu’a connu la planète : Des corps préalablement lestés des victimes de la répression post-électorale à Port-Gentil sont jetés par hélicoptère militaire dans l’océan atlantique. Cela s’appelle des vols de la mort.
L’armée ouvertement en campagne électorale pour Ali Bongo
Pendant l’élection présidentielle de 2016, les militaires ne cachent pas leur soutien à Ali Bongo, mieux ils s’impliquent pleinement dans la campagne électorale. C’est ainsi que le matériel de campagne d’Ali Bongo transite par le Groupement Aérien Présidentiel de la Garde Républicaine. L’armée veille aussi au transport des gadgets du « Président Candidat » et à leur acheminement à l’intérieur du pays.
Le Génie militaire effectue la mission hautement républicaine de coller les affiches d’Ali Bongo et les militaires sont transportés dans des camions de l’armée pour assister aux meetings du « Président-Candidat » revêtus d’un tee-shirt, d’un pantalon treillis et d’une paire de rangers !
La Police aussi bat campagne ! C’est ainsi que les Policiers sont sommés de se rendre aux meetings d’Ali Bongo et ceux qui osent assister aux meetings de l’oppositions sont tenus de s’expliquer dans les 48h !
La junte militaire en costume cravate
Battu dans les urnes, Ali Bongo se maintien au pouvoir par les armes. Son armée n’hésite pas à faire le coup de feu. Encouragée par son chef suprême qui affirme que les forces de défense et de sécurité « affrontent des casseurs » elle réprime sans ménagement, enlève, torture et tue. Des images de militaires gabonais passant à tabac des partisans de l’opposition dans une caserne fuitent. Un reportage de iTélé parle d’une vingtaine de morts par balles, qu’importe ! Interrogé en 2018 sur les morts de la répression post-électorale par la télévision française dans un documentaire au demeurant plein de révélations, Ali Bongo se veut rassurant en affirmant que « seulement 4 pillards ont été abattus ».
Cerbère fidèle, veille
Depuis son AVC survenu à Ryad en marge du « Davos du Désert », l’armée a pris les choses en main. Elle veille, surveille, réprime tous ceux qui osent toucher au « patron » et à son « pouvoir ».
Le 7 janvier 2019, Le Lieutenant Kelly Ondo Obiang, commandant adjoint de la Garde d’Honneur, officier de la Garde Républicaine, ancien enfant de troupe de l’école de des cadets « le Prytanée Militaire » fondé par Ali Bongo lui-même s’empare avec un commando de quatre hommes de la radio d’état lance un appel à l’insurrection et invite ses frères d’arme à se ranger du coté du peuple. Il ne sera rejoint que par deux militaires dont le gendarme Simon Pierre Ekong qui sera sommairement exécuté en compagnie du sergent Etienne Nze Cekirge de la Garde Républicaine.
Cette brève épopée montre deux choses. Kelly Obiang et ses compagnons sont bel et bien des soldats perdus mais surtout que l’armée gabonaise demeure un soutien indéfectible du clan Bongo et le pilier de cette monarchie d’un genre étrange. Une armée qui veille et demeure prête à protéger « le pouvoir » d’Ali Bongo et de son héritier désigné « quel qu’en soit le prix ».
Tout est déjà en place pour le drame suivant.
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