Gabon : Comment Oligui Nguema a piégé 18 de ses ministres en les condamnant au Parlement !
C’est ce qu’on appelle, en bon jargon politique, un coup de maître… ou une gifle magistrale. Depuis le 14 novembre au soir, le gouvernement gabonais a subi une cure d’amaigrissement drastique, passant d’une équipe de 31 personnalités à un commando resserré de 13 « super-ministres ». Derrière cette arithmétique forcée se cache une manœuvre redoutable du président Brice Clotaire Oligui Nguema, qui a transformé une victoire électorale en porte de sortie pour dix-huit de ses collaborateurs.
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La victoire amère : élus pour être « garés »
Ils se sont battus comme des diables certains en usant même de tricherie "légale". Durant la bataille des législatives, ces 18 ministres ont mouillé le maillot, persuadés que leur légitimité dans les urnes serait leur assurance-vie au sein de l’exécutif. Cruelle ironie : c’est précisément leur succès qui a scellé leur sort. En validant leur ticket pour l’Assemblée nationale, ils pensaient blinder leur maroquin ; ils ont en réalité signé leur lettre de démission.
Les ministres démissionnaires et leurs intérimaires
| Ministre démissionnaire | Portefeuille quitté | Ministre intérimaire désigné |
|---|---|---|
| Hugues-Alexandre Barro Chambrier | Vice-président du gouvernement | Henri-Claude Oyima |
| Laurence Ndong | Mer, Pêche et Économie bleue | Henri-Claude Oyima |
| Régis Onanga Ndiaye | Affaires étrangères, Coopération, Intégration et Diaspora | François Ndong Obiang |
| Professeur Marcel Ibinga épouse Itsitsa | Fonction publique et Renforcement des capacités | François Ndong Obiang |
| Patrick Barbera-Isaac | Travail, Plein emploi et Dialogue social | François Ndong Obiang |
| Brigitte Onkanowa | Défense nationale | Hermann Immongault |
| Séraphin Akouré Davin | Justice, Droits humains, Garde des sceaux | Paul-Marie Gondjout |
| Ulrich Manfoumbi Manfoumbi | Transports, Marine marchande et Logistique | Gilles Nembé |
| Philippe Tonangoye | Accès universel à l’Eau et à l’Énergie | Gilles Nembé |
| Lubin Ntoutoume | Industrie et Transformation locale | Gilles Nembé |
| Sosthène Nguema Nguema | Pétrole et Gaz | Louise Mvono |
| Pr Adrien Mougougou | Santé | Nadine Awanang épouse Anato |
| Zenaba Gninga Chaning | Entrepreneuriat, Commerce et PME | Nadine Awanang épouse Anato |
| Maurice Ntossui Allogo | Eaux et Forêts, Conflit homme-faune | Marc-Alexandre Ndoumba |
| Mays Mouissi | Environnement, Écologie et Climat | Marc-Alexandre Ndoumba |
| Odette Polo épouse Pandzou | Agriculture, Élevage, Développement rural | Marc-Alexandre Ndoumba |
| Camélia Ntoutoume-Leclercq | Éducation nationale, Instruction civique, Formation professionnelle | Dr Simplice-Désiré Mamboula |
| Dr Armande Longo épouse Moulengui | Jeunesse, Sports, Rayonnement culturel, Arts, Vie associative | Dr Simplice-Désiré Mamboula |
Le président Oligui Nguema les a pris au mot, exigeant leur démission immédiate. Le message est clair : direction le Palais Léon Mba. Ce qui devait être un tremplin s’est transformé en voie de garage parlementaire pour des figures emblématiques du début de la transition et au-delà, à l’instar de l’ancien porte-parole du CTRI Ulrich Manfoumbi Manfoumbi ou encore du secrétaire général de l’UDB Mays Mouissi.
Le survivant par défaut et les « super-cumulards »
L’ironie du sort a voulu que ce soit François Ndong Obiang, ministre de la Réforme des Institutions, qui officialise la charrette douloureuse à ses collègues. Lui-même sauvé des eaux de l’éviction gouvernementale par le bicéphalisme de son parti Réagir qui l’a empêché de concourir, il se retrouve aujourd’hui non seulement maintenu, mais propulsé à la tête d’un périmètre ministériel tentaculaire incluant désormais les Affaires étrangères, la Fonction publique et le Travail.
En attendant la mise en place définitive des institutions de la Ve République ou leur renouvèlement intégral (Sénat, Assemblée nationale, CESEC, Cour constitutionnelle) prévue pour d’ici à janvier 2026, le Gabon fonctionne en mode « intérim ». Treize rescapés doivent désormais faire tourner la boutique, cumulant les casquettes dans une gymnastique administrative vertigineuse. Formant ainsi le gouvernement le moins pléthorique de l’histoire du pays. Une preuve qu’un gouvernement de moins de 15 ministres est une réalité plausible au Gabon.
Henri-Claude Oyima : Le vice-roi de la période
Si cette séquence a fait 18 perdants, elle a sacré un grand vainqueur : Henri-Claude Oyima. Le patron de l’Économie ne se contente plus de gérer les finances. Désormais Vice-président du gouvernement en lieu et place d’Alexandre Barro Chambrier débarqué, il étend son empire sur le ministère de la Mer et de la Pêche (récupéré à Laurence Ndong), tout en gardant la main sur la Dette et la Vie chère. Il devient, de facto, l’homme fort de cette période intérimaire.
La purge du 14 novembre marque un tournant : le président Oligui Nguema reprend la main, resserre son cercle et redistribue les cartes en vue de la mise en place définitive de la Ve République. Pour les 18 ministres renvoyés à l’Assemblée, l’atterrissage est brutal. Pour les 13 restants, la charge est immense. Pour le pays, l’attente continue.
Pour rappel voici la configuration de ce gouvernement de combat, où certains ministres se retrouvent à gérer jusqu’à quatre portefeuilles simultanément pour combler le vide laissé par les « exilés » du parlement :
Les multi-portefeuilles (Les grands gagnants du cumul) :
Henri-Claude Oyima : Vice-Président du Gouvernement, Ministre de l’Économie, Finances. Intérim : Mer et Pêche.
François Ndong Obiang : Réforme des Institutions. Intérim : Affaires Étrangères, Fonction Publique, Travail.
Gilles T. Nembe : Mines et Géologie. Intérim : Transports, Énergie/Eau, Industrie (Un véritable ministère des infrastructures à lui seul).
Mark A. Doumba : Économie Numérique. Intérim : Eaux et Forêts, Environnement, Agriculture (Le pôle vert lui revient intégralement).
S. Désiré Mamboula : Enseignement Supérieur. Intérim : Éducation Nationale, Jeunesse, Sports, Culture.
Hermann Immongault : Intérieur et Sécurité. Intérim : Défense Nationale (Le monopole de la force publique).
Paul-Marie Gondjout : Justice. Intérim : Communication et Médias.
Nadine Awanang : Affaires Sociales. Intérim : Santé, Entrepreneuriat/PME.
Louise P. Mvono : Planification. Intérim : Pétrole et Gaz.
Les grands perdants du cumul
Edgard Moukoumbi : Travaux Publics (Portefeuille unique).
Ludovic Megne : Habitat et Urbanisme (Portefeuille unique).
Pascal Ogowet Siphon : Tourisme (Portefeuille unique).
Elodie Diane Fouefoue épse. Sandjo : Femme et Famille (Portefeuille unique).
C’est donc avec cette équipe réduite que le Gabon naviguera jusqu’en janvier 2026, laissant aux 18 ministres déchus le loisir de méditer sur cette maxime politique : parfois, gagner une élection, c’est perdre sa place.
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