Pourquoi l’exploitation du pétrole au Gabon ne profite pas aux gabonais ?

Fier de ses richesses naturelles, le Gabon tente de protéger sa biodiversité et de tirer profit de ses sources de pétrole abondantes. Toutefois, la présence de puissances étrangères complexifie durement la tâche.

Fin mars, la Convention des entreprises pétrolières autochtones du Gabon (CEPAG) s’est réunie lors d’une assemblée générale à Port-Gentil. Les délégués, venus des quatre coins du pays, ont évoqué le renforcement des entreprises pétrolières face à la concurrence étrangère. Si des progrès ont été salués par l’assemblée, le président de la Cepag, Charles Tchen concédait : « Malgré quelques découvertes, notre production décline ».
Des problèmes structurels
En effet, bien que le Gabon soit la 9e plus grosse réserve de pétrole en Afrique, il ne profite pas directement de l’exploitation pétrolière. Cette anomalie s’explique par le manque d’infrastructures de raffinage, essentielles à la transformation du pétrole brut en matière consommable. Pour cette raison, selon la Direction générale des Douanes et des Droits indirects (DGDDI), les importations de pétrole du Gabon, en provenance de la zone "Offshore Lomé" ont augmenté de près de 200 % durant le premier trimestre de 2024.
Une exploitation encore primaire
En conséquence, les conditions du marché pétrolier sont défavorables au Gabon lui-même, puisque l’exploitation du pétrole revient à la charge d’entreprises étrangères, notamment chinoises. Celles-ci acheminent directement le pétrole gabonais vers leurs propres raffineries, excluant le Gabon du processus d’exploitation. Face à cette situation catastrophique pour le développement économique et pour la souveraineté énergétique du pays, le président de la Cepag alarme : « Il est impératif de valoriser nos actifs et d’être prêt à reprendre ceux que les sociétés internationales pourraient restituer à l’État ».
À ce sujet, après de longues sommations, le pays est parvenu à obtenir la rétrocession du contrat de la société chinoise Addax Petroleum. La compagnie pétrolière gabonaise Gabon Oil Compagny (GOC) en a repris les termes et verra sa production journalière passer de 13 000 à 70 000 barils. Une différence significative qui révèle l’ampleur de l’emprise chinoise sur l’industrie pétrolière nationale.
L’emprise de la Chine sur le pétrole gabonais
La présence de la Chine dans les affaires pétrolières du pays n’est pas nouvelle. Pour soutenir son boom économique, amorcé au début des années 2000, la Chine a rapidement eu besoin de pétrole. Dès 2004, le président chinois de l’époque, Hu Jintao, conclu un accord de prospective pétrolière au Gabon. Aujourd’hui, bien que son industrie pétrolière tente de regagner du terrain, la Chine poursuit sa stratégie d’exploitation de pétrole brut.
Le ministre du pétrole et le responsable chinois en août dernier
Le mastodonte, China Zhenhua Trading, 4e opérateur pétrolier chinois, espère s’implanter durablement sur place. La compagnie pétrolière envisage même de construire une raffinerie sur le territoire gabonais afin de pouvoir traiter le pétrole directement sur place. L’objectif pour China Zhenhua Trading est de profiter de la position de stratégique du Gabon pour faciliter ses échanges économiques.
D’une autre manière, cette présence, renforcée au Gabon, permettrait à la Chine de réduire ses frais d’exportation. Une donnée loin d’être anecdotique puisqu’en 2021, un rapport d’ITIE Gabon rapporte que la Chine a exporté 20 892 798 barils de pétrole brut, soit une valeur de plus de 806 milliards de Francs CFA. Au sein du pays, ces enjeux économiques sont couplés à des défis environnementaux et écologiques. En atteste l’engagement du gouvernement gabonais dans le projet Biodev2030.
Ce projet travaille à concilier le développement économique avec la protection de la richesse naturelle du territoire gabonais. Au regard de cet objectif, les forages massifs des compagnies chinoises constituent un danger pour la biodiversité locale. Par ailleurs, en juillet dernier Addax, filiale de Sinopec, grand groupe appartenant à la Chine avait laissé fuiter 80 barils de pétrole en pleine forêt sur le site de Coucal. Un événement symbolisant l’exploitation des richesses du Gabon, au profit d’intérêts économiques étrangers, sapant ainsi, ceux de la population gabonaise.
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