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Incarcération

Yann Kogou Ligali, ce prisonnier « politique » oublié de tous au Gabon

Yann Kogou Ligali, ce prisonnier « politique » oublié de tous au Gabon
Yann Kogou Ligali, ce prisonnier « politique » oublié de tous au Gabon © 2025 D.R./Info241

Un an après son placement en détention fin avril 2024, le leader religieux Yann Kogou Ligali croupit toujours à la prison centrale de Libreville, sans procès ni charges officielles. Dans cette tribune poignante, le journaliste et écrivain Jocksy Andrew Ondo-Louemba dénonce l’oubli, l’indifférence et le silence qui entourent cette détention qu’il juge arbitraire, révélatrice selon lui d’un pouvoir de transition plus prompt à réprimer qu’à réconcilier. Lecture.

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Avril 2024. Yann Kogou Ligali, jeune leader religieux au verbe libre et à la foi intranquille, est « arrêté » par des éléments de la Direction Générale de la Recherche (DGR). Depuis, il est détenu à la prison centrale de Libreville. Ni jugement. Ni mise en examen publique. Ni procédure transparente. Juste une disparition, presque propre. Et un silence, presque parfait.

Un an. Douze mois que cet homme, qui n’a ni volé, ni tué, ni corrompu, mais simplement parlé , croupit dans l’ombre. Son seul tort : avoir dénoncé ce qu’il appelait la « mascarade » du dialogue national, avoir appelé à la démission du général-président Brice Clotaire Oligui Nguema, avoir rêvé, à haute voix, d’un retour à la norme démocratique.
Dans une vidéo devenue virale, il disait ce que beaucoup murmurent : que le changement promis ressemble à une continuité habillée de neuf. Et pour cela, on l’a réduit au silence.

Une détention politique

Il ne fait aucun doute, aujourd’hui, que Yann Kogou est un prisonnier politique . Car lorsqu’on vous prive de liberté pour vos opinions, lorsqu’on vous enferme pour vos mots, lorsqu’on vous fait payer vos idées, il ne s’agit plus de justice, mais de vengeance d’État.

Et ce n’est pas un simple procès d’intention. L’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme est limpide :
« Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression » , y compris le droit de « répandre des idées par quelque moyen d’expression que ce soit ».

Au Gabon, pourtant, ce droit fondamental devient un danger. Il expose à l’humiliation, à la détention arbitraire, à l’oubli organisé. Et il révèle, dans toute sa crudité, le vrai visage du pouvoir actuel : un régime pour qui les droits de l’homme ne sont qu’une série de mots. Un régime qui proclamait pourtant dans sa charte que « les libertés sont garanties » (article 23), mais qui, dans les faits, réprime celles et ceux qui osent les exercer.

Et l’on regarde ailleurs

Il y a quelque chose d’encore plus glaçant que l’injustice : l’indifférence qui l’entoure . Depuis l’arrestation de Yann Kogou Ligali, il n’y a pas eu de mobilisation nationale. Pas de conférence de presse. Pas de mobilisation des milieux religieux. Très peu de voix, trop peu.

Il est là, dans sa cellule, et dehors, nous sommes devenus sourds.
Comme si son enfermement ne nous concernait pas. Comme si son sort n’était qu’une anomalie passagère. Comme si nous avions fini par accepter que la liberté d’expression ait un prix, et que ce prix soit la prison.

Mais qu’est-ce qu’un peuple qui tolère la prison pour ceux qui parlent ? Qu’est-ce qu’une nation qui regarde ailleurs quand l’un de ses enfants est réduit au silence ?

Une tragédie gabonaise

Ce qui arrive à Yann Kogou Ligali est aussi une tragédie gabonaise. Il n’est pas qu’un symbole. Il est un homme. Un frère. Un père. Un citoyen. Peut-être même un guide pour ceux qui cherchaient une voix honnête dans le vacarme des ambitions.
Aujourd’hui, Yann Kogou Ligali est seul. Privé de liberté. Et possiblement, selon plusieurs sources, victime de traitements inhumains.

Nous avons beau rédiger des chartes, organiser des forums, multiplier les discours sur la « transformation », tant que des hommes comme lui seront en prison, nous resterons du côté de la trahison. La trahison de l’espoir. La trahison de la démocratie. La trahison de notre propre dignité.

 Un an de trop, une honte collective

Cela fait un an  que Yann Kogou Ligali a été arrêté.
Un an que son corps est enfermé. Et avec lui, nos silences, nos renoncements, nos complicités.
Un an que le nouveau régime – et sa nouvelle « Vème République »(sic) - échoue à se montrer digne de ses promesses.
Un an que le Gabon trahit ses propres textes , sa propre jeunesse, sa propre humanité.

Chaque jour où Yann reste enfermé est un jour de trop.
Chaque jour de silence est une pierre de plus posée sur la tombe de notre conscience nationale.
Et si demain, nous acceptons qu’un homme soit condamné pour ses idées sans nous lever pour lui, alors c’est notre liberté collective que nous avons déjà perdue.

Jocksy Andrew Ondo-Louemba, journaliste et écrivain

@info241.com
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