Affaire Mbanié : L’échec cuisant et personnel des membres de la délégation gabonaise devant la CIJ

La décision rendue ce 19 mai par la Cour internationale de Justice (CIJ) marque non seulement une perte territoriale majeure pour le Gabon, mais expose crûment les failles d’une délégation pléthorique, coûteuse et mal orientée. Malgré la présence de hauts responsables gabonais et d’une brochette d’experts internationaux de renom, le pays n’a su convaincre ni en droit ni en fait.

La composition même de la délégation pouvait laisser espérer un front solide : Régis Onanga Ndiaye, ministre des affaires étrangères ; Paul-Marie Gondjout, ministre de la justice ; Marie-Madeleine Mborantsuo, en qualité d’agente ; Guy Rossatanga-Rignault, conseiller politique majeur du régime et coagent ; Serge Mickoto Chavagne, diplomate d’expérience. Tous entourés d’un bataillon de juristes chevronnés : Ben Juratowitch, Alina Miron, Daniel Müller, Alain Pellet, Isabelle Rouche, entre autres.
Pas à la hauteur
Mais cette architecture prestigieuse a accouché d’une défense vacillante, incapable de contrebalancer l’offensive juridique équato-guinéenne. À La Haye, le Gabon a surtout péché par dispersion argumentative, pauvreté documentaire et absence de stratégie unifiée. Les experts français et anglo-saxons, aussi brillants soient-ils, n’ont pas suppléé à l’indigence des archives nationales et au manque d’une ligne doctrinale claire. À aucun moment, la délégation n’a su imposer une lecture gabonaise forte de la Convention franco-espagnole de 1900, pourtant au cœur du litige.
Les principaux conseils du Gabon en octobre dernier à La Haye
Pire, aucun effort sérieux n’a été consenti pour démontrer une administration effective ou symbolique de Mbanié et des îlots connexes. Les cartes étaient inconsistantes, les témoignages absents, les éléments de souveraineté largement en retrait face à l’argumentaire équato-guinéen, cohérent et documenté.
Leçons d’un échec
La responsabilité politique de cet échec est double. D’une part, la sélection des agents gabonais semble avoir répondu davantage à des critères de loyauté politique qu’à une véritable expertise stratégique. D’autre part, les ministres et conseillers d’État présents n’ont joué qu’un rôle protocolaire, sans impulser ni piloter une vision claire de la défense.
Photo de famille de toute la délégation
Quant aux conseils étrangers, ils ont fonctionné en vase clos, sans synergie avec les réalités gabonaises. Leur plaidoyer, souvent technique et déconnecté des enjeux géopolitiques du Golfe de Guinée, n’a pas su capter l’attention de la Cour sur l’importance cruciale de Mbanié pour la sécurité énergétique et maritime du Gabon.
Peut mieux faire
Cette faillite met en lumière un travers ancien mais aggravé dernièrement : la sous-valorisation des compétences nationales, l’absence de coordination interinstitutionnelle, et l’externalisation aveugle des enjeux stratégiques. Aucune task force gabonaise digne de ce nom, aucune mission de terrain, aucun lobbying diplomatique. Résultat : une déroute habillée en victoire par des communicants d’État en mal de récits positifs.
Il y a là une leçon dure mais nécessaire. Le Gabon ne peut plus se contenter d’un vernis de compétence et de noms prestigieux. Il doit désormais bâtir une diplomatie judiciaire souveraine, structurée, et politiquement accountable. À défaut, d’autres Mbanié s’effaceront de la carte.
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