Cyrille Ona : « Le peuple Gabonais aspire à la démocratie dont la liberté d’expression est un principe fondamental »
L’invité de la rédaction d’Info241 est cette semaine M. Cyrille Ona, Coordinateur général du mouvement citoyen dénommé « cohérence démocrate ». Le désormais ancien membre du Parti démocratique Gabonais (PDG - au pouvoir) revient sur les raisons de sa démission, sur les leitmotiv de la jeune structure citoyenne qu’il dirige depuis le 20 décembre 2014. Il nous donne aussi son point de vue sur l’action du gouvernement Gabonais et répond à quelques questions politiques de l’heure.
Pourquoi avoir créé Cohérence démocrate ?
Cyrille Ona : Vous savez, la création de Cohérence démocrate est partie d’un constat. C’est-à-dire que depuis quelques années nous vivons une crise politique au Gabon. Les gens ne se parlent pas. La majorité au pouvoir et l’opposition ne dialoguent pas et même les syndicats dans leurs rapports avec le gouvernement ont du mal à se faire entendre.
L’on s’est dit qu’il était temps que les gabonais se retrouvent, tous les Gabonais sans distinction, sans étiquette politique. Qu’ils se réunissent pour demander aux uns et aux autres d’être cohérents avec les aspirations du Peuple. Le peuple Gabonais aspire à la démocratie dont la liberté d’expression est un principe fondamental et cela passe nécessairement par le dialogue. Voilà la raison pour laquelle on a créé Cohérence démocrate.
C’est ce manque de démocratie au sein du Parti démocratique Gabonais qui a emmenés les gens à quitter le parti".
Sans trahir un secret, vous êtes membre du Parti démocratique Gabonais (PDG), le parti au pouvoir depuis 1967, est-ce à dire qu’il s’agit d’un courant de plus dans le Parti Démocratique Gabonais, courants qui sont d’ailleurs interdits dans ledit parti ?
Cyrille Ona : Si vous refaites l’histoire, vous allez voir que Cohérence démocrate est né le 20 décembre, les autres courants dont vous voulez parler notamment le MOGABO (Mouvement des Gabonais pour Ali Bongo - NDLR) et H et M (Héritage et Modernité - NDLR) sont nés bien après nous. C’est-à-dire que c’est ce manque de démocratie au sein du Parti démocratique Gabonais qui a emmenés les gens à quitter le parti.
Pour ce qui est de moi, j’ai cessé de militer dans le PDG depuis Cohérence démocrate. Je ne renie pas mon passé politique bien au contraire, je le revendique. Néanmoins, je n’ai jamais été aux affaires et la politique est une affaire d’hommes, de principes, de convictions. Ma vision des choses, et ceux qui me connaissent le savent, c’est la rigueur et le travail. Lorsqu’il s’agit de porter un projet qui peut être utile aux Gabonais, je réponds présent.
Donc vous n’êtes plus membre du Parti démocratique Gabonais ?
Cyrille Ona : Tout à fait. Je ne milite plus au sein du Parti Démocratique Gabonais.
Nous constatons qu’énormément d’argent public ont été dépensé dans les loisirs ou des projets dont certains sont à l’arrêt faute de financement".
Quel regard portez-vous sur l’action du gouvernement ?
Cyrille Ona : Vous savez, le gouvernement souffre d’un manque de communication qui est criard. L’action du gouvernement est mitigée. Le Président de la République lui-même disait lors de son dernier passage à Paris sur Télésud (chaîne de télévision panafricaine basée à Paris – NDLR) à propos de son bilan qu’il pouvait mieux faire.
Que dire de plus ? Si ce n’est qu’au sein de cohérence démocrate nous constatons qu’il y a un manque de priorisation des besoins urgents des populations. Les Gabonais ont besoin de quoi ? De l’eau et de l’énergie. L’éducation et la santé voilà les priorités. Lorsqu’on veut développer un pays vous savez il faut commencer par les besoins urgents. Or nous constatons qu’énormément d’argent public ont été dépensé dans les loisirs ou des projets dont certains sont à l’arrêt faute de financement. C’est donc un bilan mitigé.
Vous avez décrit tout à l’heure une situation politique assez tendue, est-ce à dire qu’au moment où l’on parle vous maintenez le même regard sur la situation politique du Gabon ?
Cyrille Ona : Vous savez, Cohérence démocrate prône un dialogue apaisé. Lorsqu’on est dans une famille les gens doivent se parler, les Gabonais ont besoin de se parler pour discuter de la situation du pays, pour discuter de leur avenir. D’ailleurs, je trouve bizarre que le porte-parole de la présidence dise que le seul cadre propice au dialogue c’est celui du CND (Conseil national de la Démocratie - Ndlr).
Mais lorsqu’on est le président du Gabon, c’est que l’on est le président de tous les Gabonais et lorsqu’il a une crise, on se doit de parler à tout le monde voilà le problème aujourd’hui. Nous voulons porter ce dialogue au sein de la classe politique Gabonaise, mais également à la société civile et à tous ceux qui veulent s’exprimer.
Est-ce à dire que vous êtes contre la proposition d’Alain Claude Bilie Bi Nzé, Porte-parole de la présidence de la république, surtout que l’opposition avait boycotté les élections législatives de 2011 ?
Cyrille Ona : En janvier dernier, nous avions fait appel au Président de la République pour lui demander de réhabiliter le CND, c’est que c’est une institution en laquelle nous croyons. Mais depuis janvier, depuis la réhabilitation du CND, avez-vous vu les actions du CND ? Ils viennent à peine d’avoir des locaux ! Leur personnel revendique les moyens de fonctionnement, c’est une coquille vide ! Donc cela veut dire qu’il faut que le Président prenne ses responsabilités pour qu’il y ait un dialogue apaisé dans notre pays.
Lorsqu’on est le président du Gabon, c’est que l’on est le président de tous les Gabonais et lorsqu’il a une crise, on se doit de parler à tout le monde".
Maixent Accrombessi, directeur de cabinet du Président de la République Gabonaise a été interpellé à Paris, il y a quelques jours, et entendu dans le cadre d’une enquête de l’Office Central de Lutte Contre la Corruption et les Infractions Financières et Fiscales. Qu’en pensez-vous ?
Cyrille Ona : Maixent Accrombessi, c’est le directeur de cabinet du Président. C’est une affaire qui concerne le président et son directeur de cabinet. Je pense que ce n’est pas la première fois que Monsieur Accrombessi cristallise l’opinion politique au Gabon. Néanmoins, comme vous j’ai lu dans la presse ce qui s’est passé, donc il faut laisser à la justice le soin de tirer les conclusions. Je n’ai vraiment pas d’avis là-dessus.
Toutefois, je voudrais rapidement revenir sur un point. Aujourd’hui, il faut bien le comprendre, vous avez les émergents qui pensent que tout va bien dans notre pays, vous avez les anciens dirigeants qui se sont réunis au sein du Front qui pensent que tout va mal. Pendant ce temps-là, vous avez la population Gabonaise qui souffre et qui demande qu’on résolve les problèmes du quotidien. Et nous pensons que cela n’est possible que par le dialogue. Il faut que tout ce monde discute, s’assied sur une même table comme des responsables politiques que nous sommes, pour trouver des solutions idoines aux problèmes du quotidien.
Propos recueillis par Jocksy Ondo Louemba
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