Commentaire

François Zimeray : « On ne produit pas de la justice sur la base d’un crime »

François Zimeray : « On ne produit pas de la justice sur la base d’un crime »
François Zimeray : « On ne produit pas de la justice sur la base d’un crime » © 2025 D.R./Info241

A la suite du procès qui s’est tenu récemment devant la Cour criminelle spéciale de Libreville au cours duquel l’ancienne première dame du Gabon Sylvia Bongo et son fils Noureddin Bongo ont été jugés par contumace et condamnés à 20 ans de prison ainsi qu’à plus de 4 000 milliards à rembourser à l’Etat gabonais. Pour leur avocat Me François Zimeray ce procès s’inscrit selon procédure qu’il estime irrémédiablement viciée.

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À peine le verdict prononcé, François Zimeray, ancien ambassadeur de France, ancien député européen et avocat de Sylvia Bongo et de son fils Noureddin Bongo a livré une analyse sans ménagement à notre micro. Il ne pointe pas seulement des irrégularités ; il accuse le système judiciaire d’avoir construit un procès entier sur une base qu’il considère comme fondamentalement illégale.

Dès le début de l’entretien, le ton est donné : « Ce procès ne pouvait pas être légal car il est l’aboutissement d’une procédure illégale de A à Z. »

Pour lui, rien ne pouvait être sauvé dans un dossier qu’il juge contaminé dès le premier acte. Il le résume par une image qui frappe par sa simplicité : « De la même manière qu’on ne peut pas servir un plat comestible avec des ingrédients avariés, on ne peut pas faire un procès légal et équitable sur la base d’une incarcération arbitraire émaillée de tortures et d’une instruction inexistante. »

Selon Me François Zimeray, tout commence par un acte qui, en lui-même, interdit toute prétention à la légalité : « Cette affaire judiciaire a commencé en dehors de tout cadre légal, par leur enlèvement et leur séquestration dans le cadre du coup d’État, ce qui est criminel. Le procès est l’aboutissement de ce processus. »

Il en tire une conclusion tranchante : « On ne produit pas de la justice sur la base d’un crime. »

« Ce procès est illégal »

Pour François Zimeray, il ne s’agit pas de simples failles procédurales, mais d’une succession de violations qui, l’une après l’autre, ont fini par rendre le procès juridiquement impossible.

Selon lui la procédure a débuté par un enlèvement et une séquestration, les droits de la défense n’ont jamais été respectés, et surtout, la Cour n’aurait pas eu le droit de juger l’affaire tant qu’un pourvoi en cassation était pendant.

Cette dernière violation est capitale à ses yeux : « À partir du moment où il y avait un recours et sans la décision de la Cour de cassation, le procès ne pouvait pas se tenir. Ce procès est illégal au regard de la procédure gabonaise elle-même.  »

« Ce sont des valises qui ont été amenées, où sont-elles ? »

Au-delà des aspects de procédure, Me Zimeray met en cause les éléments présentés comme preuves. Il évoque notamment des photos exhibées durant l’audience, supposées montrer des valises d’argent.

Selon lui, ces images n’ont aucune crédibilité en raison des conditions dans lesquelles elles auraient été obtenues : « Ce sont des valises qui ont été amenées, où sont-elles ? Je ne le sais. Il faudrait le demander à ceux qui les ont amenées…et reprises ! »

Il affirme que les photos ont été prises sous la menace des armes, ce qui, pour lui, suffit à invalider toute valeur probante.

«    A Paris, personne ne se fait d’illusion, il trahira la France comme il a déjà trahi ceux qui avaient le plus confiance en lui »

François Zimeray ne se contente pas de critiquer la procédure : il met en cause l’indépendance même des magistrats ayant conduit le procès. Ses mots sont d’une rare violence et témoignent d’une rupture totale de confiance dans l’institution : « Sous les robes, il n’y a pas de juges, il n’y a pas de procureur, il n’y a que des pantins aux ordres d’un tyran prétentieux, complexé, méchant et revanchard dont le seul fait d’armes aura été de trahir la constitution après avoir trahi celui qui l’avait investi de sa confiance. A Paris, personne ne se fait d’illusion, il trahira la France comme il a déjà trahi ceux qui avaient le plus confiance en lui » ».

Il évoque aussi une vidéo devenue virale où une magistrate affirme prendre ses directives du CTRI, un aveu qui, selon lui, ne laisse aucune place au doute : « Ce procès a toujours été dicté par l’exécutif, les comédiens qui ont joué le rôle de juge devraient avoir honte ! »

Enfin, il dénonce le traitement infligé à ses clients dans les premiers jours du coup d’État : « Je mesure ce qu’il faut de sadisme pour enfermer dans le deuxième sous-sol de son propre palais présidentiel des personnes dont il avait la responsabilité de leur sécurité. »

« Ils ont droit à la procédure, et ils ne l’ont pas eue »

Pour conclure, l’avocat rappelle que sa démarche n’a rien à voir avec une tentative de contourner la loi. Au contraire, dit-il, il demande simplement qu’elle soit appliquée : « Personne n’est au-dessus des lois, pas plus mes clients que les autres mais ils ont droit au respect du droit et ils ont droit à une procédure équitable et ils ne l’ont pas eu. »

Pour Me François Zimeray, l’affaire n’est pas close : le combat pour la reconnaissance de ces violations, affirme-t-il, ne fait que commencer.

@info241.com
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