Bars fermés pour le vote : l’infantilisation assumée de l’État gabonais envers ses propres citoyens

La décision du ministère de l’Intérieur d’ordonner ce vendredi la fermeture des débits de boisson à l’occasion du double scrutin législatif et local de ce samedi révèle une pratique héritée de l’ancien régime Bongo pourtant déchu. Officiellement, la mesure vise à préserver l’ordre public et à garantir la sérénité du vote. Mais en creux, elle en dit long sur le regard que l’État porte sur ses propres citoyens.

En privant les Gabonais de bars et de lieux de sociabilité à la veille des urnes, le législateur postule que ces espaces seraient, par essence, des foyers de désordre. Cette logique paternaliste considère implicitement que les électeurs ne sauraient faire preuve de maturité civique sans contrainte administrative. Le verre de trop devient, par anticipation, une menace pour la démocratie.
Une interdiction prolongée jusqu’à la fin du scrutin
Selon le communiqué officiel parvenu à Info241, l’interdiction s’applique dès ce vendredi 26 septembre à 23 h 30 et court jusqu’à la fin du vote, fixée à ce samedi 27 septembre à minuit. Autrement dit, l’État présume qu’ouvrir les bars durant la période électorale constituerait, par avance, un trouble à l’ordre public. La Gendarmerie nationale et la Police nationale ont reçu pour mission d’en assurer l’exécution stricte.
Cette interdiction s’impose donc sur l’ensemble du territoire national et transforme, pour un temps, les lieux de convivialité en zones de silence forcé. Une mesure qui, en pratique, touche plus durement les populations urbaines dont la sociabilité se construit largement autour des bars et débits de boisson.
Un héritage juridique à la Ve République
Cette mesure, loin d’être une nouveauté, est enracinée dans une longue tradition de contrôle social. L’argumentaire gouvernemental s’appuie sur les articles 2 et 23 de la loi n° 4/98 du 20 février 1998 relative à l’organisation générale de la défense nationale et de la sécurité publique. En invoquant ce texte datant de la Ve République gabonaise, le pouvoir confirme la continuité d’un cadre juridique pensé pour restreindre certaines libertés civiles au nom de l’ordre public.
Cet héritage, forgé sous l’ancien régime Bongo, démontre que l’État préfère toujours brandir la contrainte plutôt que d’investir dans des dispositifs modernes de responsabilisation citoyenne. C’est la logique de la restriction préventive, qui repose sur une méfiance structurelle vis-à-vis des électeurs.
Un message implicite de défiance
Derrière l’interdiction se cache une méfiance persistante envers le peuple. Comme si, pour garantir un scrutin apaisé, il fallait encadrer les plaisirs quotidiens et restreindre la liberté de sociabilité. Le message implicite est clair : l’État ne fait pas confiance à ses citoyens pour se comporter de manière responsable dans un moment crucial pour la nation.
Au lieu de renforcer l’éducation civique ou de sensibiliser sur les enjeux du vote, le choix reste celui de l’interdiction. Cette approche révèle un héritage autoritaire difficile à rompre. Elle traduit une conception de la démocratie où la stabilité ne repose pas sur la maturité des électeurs, mais sur leur encadrement permanent par la loi.
Un aveu politique de fragilité
En réalité, cette interdiction est moins un outil de sécurité qu’un aveu de défiance politique. Elle consacre l’idée que la démocratie gabonaise demeure fragile, parce que ses acteurs – les citoyens – sont présumés immatures. En fermant les bars jusqu’à minuit, l’État ne protège pas seulement les urnes : il acte surtout son incapacité à reconnaître la pleine maturité civique des Gabonais.
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