Pr Mike Moukala Ndoumou, l’un des plus brillants enseignants d’épistémologie du Gabon
Comme bon nombre d’individus le savent, la philosophie est considérée comme la matrice de toutes les sciences car elle comprend diverses disciplines dont l’un des objectifs principaux est de se rapprocher de à posteriori de la vérité. Fondée sur le principe de « questionnement permanent », la pensée philosophique est d’une complexité avérée car même les figures historiques l’ayant pratiquée ont incessamment fait montre de confrontations verbales aux antipodes, preuve d’un antagonisme démesuré constitutif de cette discipline à la fois rationnelle pour ses « initiés » mais incomprise voire indigeste pour l’esprit de ceux qu’elle qualifie, à tort ou à raison, comme étant « le commun des mortels ».
Un des nombreux domaines de cette science, voulue comme l’essence même de l’activité cognitive, en l’occurrence l’épistémologie, est dispensé dans plusieurs universités et grandes écoles, mais les enseignants qui y sont friands ne sont pas pluriels. Bien qu’elle revête souvent une identité exogène à la réflexion africaine, la philosophie et ses composantes n’est pas si étrangère que çà à la civilisation de l’Afrique encore moins l’épistémologie.
Scindée en deux champs d’étude à savoir celui sur l’étude critique des sciences et de la connaissance scientifique (ou de l’œuvre scientifique) et celui sur l’étude de la connaissance en général, l’épistémologie a longtemps été le sujet quotidien de bien des enseignants occidentaux mais aussi africains. Mike Moukala Ndoumou (1968-2021) avait voué sa vie à l’enseigner et à lui apporter sa part de connaissance.
Naissance
Mike Moukala Ndoumou débute son existence terrestre en janvier 1968 dans la ville de Port-Gentil, capitale économique du Gabon et chef-lieu de la province de l’Ogooué-Maritime. Mais il regagne la province de l’Ogooué-Lolo quelques années après sa naissance pour des raisons familiales.
Parcours scolaire
Alors qu’il est âgé de huit ans, Mike Moukala Ndoumou débute ses études primaires dans la ville de Koulamoutou sise dans l’Ogooué-Ivindo. Il y décroche son Certificat d’études primaires (CEP) en 1982. Il est inscrit la même année en classe de sixième au lycée d’état de Koulamoutou. Là-bas, il y effectue la majorité de son secondaire. Puis, il revient dans son Port-Gentil natal pour terminer ses études secondaires. Il obtient son baccalauréat série A1, lui qui est déjà un passionné de philosophie et un affamé de connaissance. C’est d’ailleurs cet attachement au savoir qui orienta son choix vers la série A1 réputée être le temple la plus philosophe des classes du secondaire.
Son parchemin en poche, le jeune Mike Moukala Ndoumou atterrit à Libreville pour poursuivre son cursus scolaire. Il décide de s’inscrire à l’Université Omar Bongo (UOB) précisément au département de philosophie constituant la vaste Faculté des lettres et des sciences humaines (FLSH). C’est à l’âge de 26 ans qu’il finit diplômé de l’UOB couronné d’une maîtrise en philosophie. Mike Moukala Ndoumou compte se perfectionner et peaufiner son apprentissage philosophique. Décision est prise de se rendre en Hexagone pour obtenir entamer une formation doctorante ; il s’inscrit à l’université de Nantes, ville située dans le département de la Loire-Atlantique. Brillant et véritablement épris de cette science qu’on définit bien souvent comme « l’amour du savoir », Mike Moukala Ndoumou finit par obtenir son doctorat nouveau régime en philosophie, option épistémologie, après quatre années d’études.
Carrière professionnelle
Le temps que le processus d’homologation de son doctorant n’arrive à son terme au niveau des instances de l’éducation supérieure et de l’enseignement professionnel, Mike Moukala Ndoumou ne commencera à enseigner à l’UOB qu’en 2001. Emprunt d’un esprit critique et d’une rhétorique philosophique apprécié de tous ses étudiants, c’est sans ambages que le Pr Mike Moukala Ndoumou dispensent aisément ses cours dans les différents amphithéâtres qui composent le département de philosophie de l’Université de Libreville. Son dévouement au travail et sa rigueur ont forgé la légende de l’homme. Amoureux de la vérité et du savoir, il n’a cesse essayer, dans la mesure du possible, à inculquer à chacun de ses étudiants l’importance de l’esprit critique émanant de l’art de philosopher, gage d’un mode de vie à adopter.
« Le désir de connaître », autre définition de la philosophie, doit être précéder d’une démarche de réflexion sur les savoir déjà existants et c’est cette ligne de conduite cognitive qui était très souvent prêché par le Pr Moukala. Partout où l’occasion lui était donnée d’enseigner, il était guidé par ce même fil conducteur comme lorsqu’il dispensait certains cours d’épistémologie à l’Ecole normale supérieure (ENS). Apprécié par ses apprenants, ces derniers l’avaient surnommé « Le savant » et ses collègues épousèrent cette appellation.
Enseignant-chercheur du département de philosophie au sein de l’UOB, le Pr Mike Moukala Ndoumou avait aussi été élu président du principal syndicat des enseignants chercheurs gabonais, le Syndicat national des enseignants-chercheurs de l’Université Omar Bongo (SNEC-UOB). Mais il occupait depuis le début de l’année 2020, la fonction de Secrétaire général adjoint 1 de l’UOB, mettant l’enseignement de côté au profit des recherches qu’il menait pour étayer les différentes thèses qu’il comptait retranscrire dans de prochaines œuvres philosophiques du moins épistémologiques.
Il est à souligner que le parcours du Pr Moukala est d’un aspect linéaire remarquable. Arrivé au Gabon avec un diplôme de docteur en épistémologie, il a très vite été maître-assistant puis maître de conférences en épistémologie à l’UOB puis conseiller scientifique au Centre national de la recherche scientifique et technologique (CENAREST). Son savoir-faire et son savoir-être furent des qualités qui ont toujours définis l’homme et le philosophe qu’il était.
Œuvres en tout genre
Arrivé à la tête du SNEC-UOB, le Pr Mike Moukala Ndoumou fut critiqué pour les positions de bon sens qu’il adoptait. Plusieurs de ses pairs proféraient des moqueries à son égard, certains éprouvant une haine viscérale à son égard. Mais son action syndicale fut saluée par d’autres de ses collègues qui se rendaient bien compte que le Pr Mike Moukala Ndoumou n’étaient la cible que d’une horde de jaloux, ne voulant réellement pas privilégier l’intérêt collectif, leurs aspirations personnels étant leur préoccupation première.
Le Pr Moukala œuvrait pour la prise en compte, par les autorités de leur administration d’origine, de certains points inscrits sur le cahier de charges du SNEC-UOB relatifs à l’amélioration des conditions d’apprentissage et à la considération des enseignants. Quoi qu’il en soit, le Pr Mike Moukala Ndoumou s’est par la suite battu pour assainir l’environnement dans lequel il passait la majorité de ses journées. Il a entre autres été l’instigateur en chef du ravalement des façades de l’UOB, de l’exhumation du foyer Avaro, du renforcement de la couverture sociale de tous les enseignants et personnels de l’UOB, du montage d’un plan social au profit de ses collègues enseignants…
Par ailleurs, le Pr Mike Moukala Ndoumou est l’auteur d’œuvres épistémologiques dont « Introduction à l’épistémologie des sciences humaines et sociales » publié le 28 mars 2011 aux Editions Edilivre ou encore « Introduction à l’épistémologie des disciplines, sciences du vivant, sciences et techniques » publié lui le 18 juin 2013 toujours aux Editions Edilivre. Dans sa première étude sur les sciences humaines et sociales, le Pr Mike Moukala Ndoumou vise à étudier la scientificité des sciences humaines et sociales en s’imprégnant de l’intérêt épistémologique régionale et en l’illustrant. Ensuite dans son œuvre « Introduction à l’épistémologie des disciplines, sciences du vivant, sciences et techniques », le Pr Mike Moukala Ndoumou interroge la scientificité des sciences du vivant, des sciences et techniques documentaires et des sciences de gestion avec pour but de transmettre une autre approche de tous ces savoirs.
Mort et hommages
C’est en date du 6 avril 2021, alors qu’il n’est âgé que de 53 ans, que l’existence du Pr Mike Moukala Ndoumou prend fin. Il rejoint l’outre-tombe en raison d’une contamination au Covid-19, lui qui était pris en charge dans un établissement sanitaire de Libreville que depuis 3 jours. L’information avait été confirmée par Henriette Aurélia Mombey épouse Massale, secrétaire générale de l’UOB, la même journée du mardi 6 avril 2021 via sa page Facebook.
Afin de lui rendre un hommage mérité en dépit des restrictions sanitaires imposées par les autorités pour décélérer la propagation du Covid-19, la communauté universitaire dont il était un maillon essentiel a tenu à organiser l’exposition de la dépouille disposé ce jour-là au parvis du rectorat de l’UOB devant les hiérarques du monde universitaires composés des enseignants de l’UOB et ceux des autres universités et grandes écoles, le ministre délégué à l’enseignement supérieur ainsi que la communauté estudiantine.
Lors de la cérémonie mortuaire, plusieurs oraisons funèbres avaient été lues pour saluer la mémoire et les accomplissements du disparu. Le recteur de l’UOB, Mesmin-Noël Soumaho, avait dit de lui « A 53 ans, le Pr Mike Moukala Ndoumou avait encore une belle carrière à poursuivre en tant qu’enseignant-chercheur… Mais le destin n’a pas voulu que l’homme qui nous quitte achevât dans le calme et la sérénité, après de nombreux services rendus à la communauté, une carrière dont il avait déjà bien gravi presque toutes les étapes par un travail opiniâtre : il s’en va donc dans la plénitude de sa belle intelligence ».
Le président du SNEC-UOB, Mathurin Ovono Ebe, s’est quant à lui questionner avec fragilité et émotion « Qui héritera de ta Mercedes noire ? Symbole de grandes victoires solidaires ». Avec sa disparition, le Gabon a perdu l’un de ses plus belles étoiles dans le domaine des sciences humaines. Le Pr Mike Moukala Ndoumou laisse derrière lui, une grande famille éplorée notamment son épouse Nina Moukala Ndoumou ainsi que plusieurs enfants.
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