Mavurulu dit Nyonda Makita, ce guerrier invaincu de la guerre coloniale française au Gabon
Alors que la majorité des populations autochtones du Gabon s’insurge contre l’occupation coloniale française en territoire gabonais, des leaders de clans ethniques mènent des combats pour assurer la souveraineté de leurs terres. Le porte-drapeau de la défense des intérêts punu, Mavurulu Ma Nziengui surnommé Nyonda Makita (1870-1912), s’inscrit également dans cette logique. Invaincu grâce à des savoirs ancestraux, il remporta plusieurs batailles mémorables contre l’administration coloniale française. Celle-ci dû se résoudre à prendre en otage ses proches pour obtenir la capitulation de ce grand guerrier punu.
Issu de l’ethnie punu et du clan Bagambu, Mavurulu ou Mavouroulou Nyonda Makita est originaire de la province de la Nyanga et vient au monde vers 1870. Il est le neveu d’un tout autre puissant chef traditionnel de Mimongo d’ethnie tsogho, Mbombe A Nyangue, qui l’initia aux rites ancestraux du Bwiti de cette région (Ngounié-Nyanga) du Gabon. Les traits de caractère de cet illustre personnage de l’histoire enfouie du Gabon sont la pugnacité, l’insoumission et la conquête. Chef clanique respecté et craint, sa zone d’implantation était située dans le massif forestier du Mocab ou Mokabe, à Kumeramba et à Murundi, avec une autorité importantissime s’étendant entre les « pays » punu et tsogho.
Péripéties d’une insurrection et d’une lutte acharnée
Le soulèvement de Nyonda Makita contre l’installation coloniale est palpable. Il s’étale à Moabi et dans la haute Ngounié respectivement au nord, au sud, à l’est et à l’ouest de cette région du Gabon. A partir de 1907, Nyonda Makita lance ses premières attaques contre l’occupant en représailles aux tentatives de déstabilisation de son autorité. Mais ces actes de mécontentement s’expliquent par le rejet de l’assujettissement des peuples opprimés par l’étranger blanc, traduit par un accroissement des expéditions françaises et par des exactions considérables comme les enlèvements, les homicides, les flagellations ou encore la réquisition des forêts sacrales et la suppression des pratiques animistes.
En effet, la genèse même du ras-le-bol des populations et des chefs coutumiers de l’époque débute en 1905 avec les actes des gardes coloniaux d’origine sénégalaise, qui s’adonnaient à cœur joie aux viols des femmes et aux violences à l’endroit des paysans et des hommes en les cravachant, mais plus encore par l’instauration d’une politique de taxe coloniale mise en musique par le gouverneur Emile Gentil. Actes stimulant de facto les conquêtes de nouveaux horizons territoriaux dans le but de réaliser davantage de profits.
Nyonda Makita entérine dès 1906 le déclenchement d’une révolte contre ces actions qui visent à ce que l’homme blanc, venu en ami et en explorateur, mette en place un vaste système de servitude de ceux qui l’ont reçu avec toutes les civilités dont l’hospitalité a été foulée au pied et perçue par ces perfides trompeurs comme le talon d’Achille de la quasi-totalité des pays de l’Afrique.
Les victoires à répétition sur le colon de Nyonda Makita
Informé de cette situation qui n’arrange pas les affaires de l’occupant, celui-ci décide de passer à l’offensive. Une opération de démantèlement des bases insurrectionnelles est menée sur le terrain en juillet 1906 à Mocab/Mokabe pour décapiter le soulèvement de Nyonda : c’est le capitaine Conrad qui est à sa tête avec 200 hommes bien entraînés et armés. Mais ils échouent brillamment en trois tentatives dans le renversement du leader punu.
Les pertes en hommes sont énormes dans les rangs des troupes de Conrad. Mais celui-ci tente ensuite, après un retrait dans la ville de Tchibamga ou Tchibanga. Il ambitionne de prendre d’assaut les quartiers généraux de Kumeramba et Murundi en passant par Moabi pour les surprendre. Une fois de plus, Conrad échoue face à des combattants acharnés et résolus à défendre leurs terres et à faire honneur à leur guide Nyonda.
Le 1er juilet 1909, l’administration coloniale décide de contre-attaquer avec cette fois le chef de bataillon de Sicre disposant de 310 hommes et de 14 gardes sénégalais ayant pour but de s’emparer de Mocab/Mokabe. Cette expédition dissuasive était sous les ordres du capitaine Collona Le Leca. Mais de manière inattendue, les compagnons de guerre de Mavurulu, trentenaires et fins connaisseurs des techniques traditionnelles de guerre acquises dans le Bwiti et dans la vie courante, sortent une nouvelle fois victorieux.
Le capitaine Le Meillour, appelé en renfort en novembre 1909 à cause de son brillant succès face aux révoltes tsogho, est assiégé de toute part par les attaques punu (11 au total) alors qu’il avait comme stratégie la prise de Kumeramba et Murundi en ralliant Moabi et Doussala.
Une prise d’otages à l’origine de la capitulation de Nyonda
Ne pouvant capturer la tête pensante de cette insurrection, l’administration coloniale s’en prend alors à ses collaborateurs et aux membres de leurs familles en les sommant de demander à Makita de se rendre sans quoi, ils mettraient fin aux jours de leurs consanguins. En ces temps, cette technique de persuasion était très pratiquée par les colons qui n’hésitaient pas souvent à mettre leurs menaces à exécution pour convaincre le résistant insaisissable à se rendre.
Les français s’installèrent alors dans cette région tumultueuse en 1910 afin d’astreindre Nyonda à abdiquer, n’étant plus en contact avec ses alliés. Réfugié à Lébamba dans la région de Gnanga, Nyonda se résigna à continuer le combat pour que des familles ne soient pas décimées et que des innocents ne paient pas le lourd tribut, démontrant de ce fait l’altruisme dont il faisait montre aux gens de sa communauté et de son rang.
Disparition et reconnaissance
Alors qu’il est emprisonné après s’être rendu de lui-même au chef de poste de Ndendé, Mavurulu Ma Nziengui dit Nyonda Makita passe de vie à trépas en 1912 plusieurs semaines après qu’il ait été mis derrière les barreaux par la puissance coloniale française. Les causes de son décès étant pour beaucoup jusqu’ici inconnues.
Le 1er juillet marque au Gabon, la commémoration de la bataille de Mavurulu. Par ailleurs, il est l’éponyme d’un établissement secondaire de la capitale de sa province natale appelé lycée technique Nyonda Makita de Mouila.
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