Une diplomate gabonaise décède en Tunisie face à la surdité des autorités gabonaises
Julie Kombila, ex-secrétaire particulière du Médiateur de la République, devenue 1er secrétaire de l’ambassadeur du Gabon en Tunisie depuis 2005 par raprochement d’époux, est décédée ce mardi à l’âge de 53 ans à 5 heures du matin à Tunis, de suite d’une maladie qui aurait nécessité une simple évacuation sanitaire et une prise en charge médicale financées par l’Etat Gabonais.
Parmi les faits déplorés et décriés par la famille interrogée par Info241, les limites criardes du système d’assurance maladie obligatoire et universelle de la CNAMGS (Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale). Mais surtout, la négligence et le mutisme coupable des autorités ministérielles de tutelle en charge des Affaires Étrangères, celui du Président de la République Ali Bongo, sont pointées par la énième famille gabonaise éplorée du fait des faiblesses et atermoiements du système de santé Gabonais.
Comme le relève un membre de la famille, Mme Julie Kombila, de son vivant, avait maintes fois interpellé par voie administrative le ministère des Affaires Etrangères sans que celui-ci daigne répondre à ses nombreuses missives. Suite à ce silence administratif, la diplomate s’était vue contrainte également de saisir la Présidence de la République. Elle a essuyé de nouveau une fin de non recevoir entretenue par le silence accablant du palais du Bord de mer face à sa maladie aggravée qui l’affaiblissait d’années en années.
La CNAMGS et la prise en charge des fonctionnaires de l’Etat en question
Selon Graciella Mourambou, la fille de la disparue qui a effectué le déplacement samedi dernier de Paris à Tunis pour aller à la rescousse de sa mère très affaiblie depuis plusieurs mois par la maladie, « après de nombreux courriers sans suite adressés au ministère des Affaires Étrangères, à la Présidence de la République du Gabon, ses moyens limités, de fonctionnaire d’agent administratif en diplomatie pour l’Etat Gabonais, ne lui ont pas permis d’effectuer une évacuation et internement en France. »
En effet, ajoute-t-elle en larmes, très dépitée par le décès de sa mère, « je suis persuadée qu’au sein d’un hôpital de Paris ou même ici en Tunisie avec une prise en charge de l’Etat, ma défunte mère qui a toujours servi le Gabon avec patriotisme, pouvait être sauvée. Son cancer dont j’ai seulement découvert l’existence à mon arrivée, pouvait être retardé par une hospitalisation urgente qui devait lui permettre de suivre des soins intensifs en cancérologie. »
Toute en martelant que, « ce que nous demandions à l’Etat Gabonais, c’est de rendre viable leur dispositif d’assurance maladie tant vanté à des fins de propagandes. Car, comment comprendre qu’un agent en diplomatie hors de son pays soit condamné à la mort du fait des limites de la fameuse CNAMGS ? Comment est-ce possible qu’une citoyenne ne puisse pas avoir des retours de sa hiérarchie ministérielle, de la présidence de la République après de nombreuses urgentes interpellations du fait de sa situation sanitaire dégradée ? »
Rappelons que le projet gabonais d’assurance maladie obligatoire et universelle s’inscrivait dans le cadre de la réforme du système gabonais de protection sociale initiée par le Gouvernement en 2002. En effet, le risque maladie avait été identifié, parmi tant d’autres, comme celui qui préoccupait le plus les Gabonais. Un audit objectif de ce projet ne serait-t-il pas une priorité urgente ?
Une solidarité nationale à deux vitesses
Pourtant les autorités gabonaises en charge de la prévoyance sociale, de l’économie et de la santé publique au Gabon clament à longueur de matraquages médiatiques « qu’en mettant en place en 2007 le régime obligatoire d’assurance maladie et de garantie sociale pour accompagner la population gabonaise dans ses dépenses de santé, le Gabon a ainsi réalisé une avancée majeure. » Laquelle ? La mort sans la solidarité publique ? Le décès à la fleur de l’âge des citoyens faute d’assurance maladie sélective ?
Lorsque des Gabonais meurent encore aujourd’hui dans des conditions déplorables par le défaut de la solidarité sanitaire publique, de quelle avancée majeure parle-t-on ? Obtenir une prise en charge médicale au Gabon pour une évacuation à l’étranger relève trop souvent des douze travaux d’Hercule. Un parcours sans fin auquel la famille se trouve bien seule, accablée par le décès du malade.
Pourtant la CNAMGS est présentée comme « moteur de la politique sociale du chef de l’Etat et du gouvernement Gabonais ». Relevant de la tutelle du ministère en charge de la prévoyance sociale (Ministère de l’économie de l’emploi), elle serait selon les autorités politiques de facto associée aux grands enjeux en matière de santé, ce qui l’amène à jouer un rôle salvateur essentiel auprès de la population.
Sur le site officiel de la CNAMGS, on peut y lire qu’en 2011, la CNAMGS aurait enregistré 153 évacués sanitaires, toutes pathologies confondues, pour un montant de 1,6 milliards FCFA. Et que plus de 70% de ces évacuations concerneraient des affections tumorales, cardiovasculaires et neurochirurgicales pour lesquelles les plateaux techniques ne sont pas encore entièrement disponibles au Gabon. Et que, à cet effet, « des accords auraient été passés par la CNAMGS avec des structures hospitalières de pointe au Maroc, en Tunisie, en Afrique du Sud et en France. Un mécanisme de transfert de compétences et de technologies serait avec ces partenaires pour améliorer progressivement la capacité opérationnelle de traitement de ces pathologies au Gabon ». Pour quels résultats ?
Mais, face à cette énième situation de deuil faute de prise en charge médicale et des moyens financiers affrétés, comme il devait être de mise pour soigner Mme Julie Kombila, ce dispositif dénommé CNAMGS, bien qu’encourageant demeure très limité. Il n’est pas conforme aux attendes de la population. D’où, il faudrait le rendre plus opérant, plus accessible. Et surtout plus fiable dans la couverture santé et l’aide publique médicale. La famille éplorée intentera certainement une action en justice contre l’Etat gabonais, car ce cas ne demeure pas isolé.
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