Les mésaventures de l’international gabonais Pierre-Emerick Aubameyang privé de la 33e Coupe d’Afrique des nations de football en raison de « résidus » de Covid-19 continuent de faire réagir. Dans ce billet d’humour, l’universitaire et essayiste Marc Mvé Bekale s’en donne à cœur joie pour décrire cette déconvenue médico-sportive sujettes à plusieurs interprétations. Lecture.
Saison 2019-2020 , Pierre-Emerick Aubameyang était une étoile brillante au firmament du football anglais, terminant deuxième meilleur buteur de la Première League avec 22 buts. Cette place de second ne le satisfit guère. On le vit se jeter de dépit dans les bras de son père lorsque la première place lui échappa, quand bien même il avait réalisé un doublé face à Chelsea lors de la finale de la coupe d’Angleterre. En ce 19 juillet 2020, au stade mythique de Wembley, PEA était au sommet de son art. Des photos géantes le confirmaient, qui célébraient ses prouesses sportives dans les rues, les métros et les bus londoniens.
Saison 2020-2021 , l’étoile du Gabon commença à flétrir. En douze rencontres, Aubameyang ne marqua que trois buts, dont un de la tête contre son camp. La Bérézina !
Le football est une science. Il se joue sur des formules rationnelles établies à partir des équations mathématiques. Un journaliste britannique le fit comprendre à Mikel Arteta, l’entraîneur d’Arsenal, cette année-là. Il lui proposa d’optimiser la vitesse de Pierre-Emerick Aubameyang en le plaçant sur l’hypoténuse d’un triangle aux angles desquels évolueraient Bukayo Saka et Alexandre Lacazette. Ainsi en va-t-il du sport européen avec ses valeurs pythagoriciennes. Mais des hauteurs de la canopée gabonaise, Medzim-Nso-Nsol , alias Hermès, le détective d’Afrique noire, spécialiste des investigations mystiques, propose d’autres outils herméneutiques. Ces outils qui, depuis la nuit des temps dans nos villages, nous ont toujours aidé à décrypter les énigmes les plus hermétiques. Enigme : Pierre-Emerick Aubameyang en est devenu une. L’étoile gabonaise d’Arsenal semble peu à peu dévorer par le trou noir, un lieu, d’après le l’astrophysicien anglais Stephen Hawking, d’où l’on ne ressort jamais.
Or donc moi, Medzim-Nso-Nsol , esprit de la forêt, connu par les peuples pygmées sous le nom de Tsinghi , j’affirme que le lieu-dit « trou noir » n’existe que dans l’imaginaire des hommes blancs. N’importe quel marabout le confirmerait ; il expliquerait aisément à l’aide des coquilles d’escargots ce qui arrive aux jambes de PEA au point que sa tête en vienne à marquer des buts contre son propre camp. Au point de saboter sa belle carrière par un comportement fantasque. Un journaliste anglais en a parlé sur un ton ironique. Il y a vu le comble de l’humour noir. Quant à moi, Medzim-Nso-Nsol , je n’y trouve rien d’amusant.
Aubame en langue pahouine signifie « aigle ». Grâce à ma longue-vue, je constate que l’oiseau majestueux a été ligoté dans l’arrière-monde des ténèbres ; un monde auquel n’accèdent que ceux dotés d’un téléscope capable de traverser le mur des apparences pour aller explorer l’invisible.
Malédiction ! Voilà ce qu’on disait dans le temps, lorsqu’un aigle n’arrivait plus à attraper de proie au vol et était devenu aussi lent qu’un moineau repu de graines d’arachide.
M’bááne (malédiction) ! Aubame, fils d’Eyang, n’aurait-il pas été atteint par les coups de fusils nocturnes, tirés en escadrille au bord de l’Ogooué, du N’komo et de la Tamise ? Comment voulez-vous alors qu’il marque des buts si ses jambes et sa tête ne le portent plus ? Medzim-Nso-Nsol le dit sans détours : Aubame est victime des combats mystiques de puissants sorciers. Il faut le désenvoûter.
Reconnaissons qu’Aubame a quelque peu donné des armes à ses adversaires. Il est tombé des deux pattes dans leur piège en se pavanant, tel un moineau, sur le toit de voitures clinquant de luxe insolent, et aux tarifs plus affolants que les Lamborghinis du nouvel émir du pays. Tapi au pied d’un arbrisseau, Gofio , l’oiseau des mauvais jours, sifflotait son inquiétude dans le bocage. Mais nul ne prêta l’oreille à son chant de malheur. Même pas PEA lui-même qui, en 2018, réclamait un avion supersonique de type Concorde pour aller jouer un match au Soudan Sud, à trois heures de vol de Libreville. Le voyage en Zambie fut aussi une alerte. Les joueurs gabonais furent maltraités à Lusaka. Les Gambiens rusèrent pour affaiblir leur corps, saper leur moral en les obligeant à passer la nuit sur le parquet de l’aéroport. Au petit matin, Aubameyang a juré et promis : aucune manigance ne réussira à taire le rugissement des panthères. Surtout pas une équipe au nom ridicule de Chipolopolos . Ce commentaire, agrémenté de vidéos postées sur Internet, ne plut guère aux dirigeants du football africain. Ils infligèrent une amende à l’équipe du Gabon grâce à la baraka de leur capitaine qui revint de Lusaka sans marquer le moindre but.
En 2022, la Berezina de notre PEA national semble totale. Déchéance du titre de capitaine de son club Arsenal. Exclusion de l’équipe. Covid positif au Cameroun. Non-respect de la discipline collective, selon le quotidien L’Union . Retour catastrophique en Angleterre.
Tout guérisseur sait qu’il faut d’abord essarter le chemin par la parole pour accéder au Mal avant d’aller cueillir dans le sous-bois la fleur du Bien. Je viens de vous expliquer la cause de la chute de notre aigle. Ses jambes et sa tête ont été mystiquement ligotées, puis il a été enfermé dans une cage. Cette opération a un nom : M’bááne (la malédiction) ! PEA a alors besoin d’un rite de purification. Pour défaire les bâillons qui entravent son esprit et son corps, il va falloir une grande cérémonie de bénédiction œcuménique, associant l’ensemble de nos croyances. Mobiliser les forces du bwété mitsogo. Les esprits du djobi téké-obamba. Les génies du djembé myéné. L’ ande-nkol-ngou fang. Sans oublier les incantations délirantes des églises évangéliques du Christ ressuscité. Telle est la formule que Medzim-Nso-Nsol , l’esprit des futaies, vous propose afin que notre PEA national retrouve le chemin du but. Maintenant, je rejoins mon nid à la cime des arbres d’où j’entends déjà monter vos rires sarcastiques. Si c’est le cas, j’aurais atteint mon BUT.
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