Charles N’Tchoréré, symbole du sacrifice et de l’engagement de l’Afrique pour la France
Au cours de la Première et la Deuxième Guerre Mondiale, nombreux sont les Africains qui ont prêté main forte aux puissances occidentales qui les ont colonisés. Plusieurs d’entre eux ont perdu la vie au combat et ce de façon héroïque. Dans bien des territoires français d’Afrique équatoriale et de l’Ouest, de vaillants soldats ont eux aussi fait le choix de se ranger du côté de la France pour mener à ses côtés, les tragiques et difficiles combats de libération.
Le Sénégal fut principalement la base arrière des enrôlements militaires des volontaires indigènes visant à s’engager dans les affrontements des deux plus grands conflits planétaires qu’a connu le monde. Dans l’un des pays d’Afrique équatoriale française (AEF) en l’occurrence le Gabon, certains fils de cette partie du continent ont ainsi préféré se ranger du côté d’autres de leurs confrères africains dans le but d’apporter leurs assistances multiformes à la « patrie » qu’ils considéraient comme la leur, c’est-à-dire la France.
Nous vous dévoilons le portrait d’un incroyable capitaine gabonais du nom de Charles N’Tchoréré (1896-1940) qui, malgré la bravoure et la pugnacité dont il fit montre dans les différentes missions qu’il mena au compte de « Marianne », paya de sa vie son attachement pour son colonisateur.
Présentation du protagoniste
C’est dans l’un des villages qui composaient la ville de Libreville notamment le village Glass, devenu aujourd’hui un quartier à part entière, que vient au monde Charles N’Tchoréré le 15 novembre 1896. Il est issu d’une famille de notables de la communauté Mpongwè. Il est le père du caporal Jean-Baptiste N’Tchoréré, né à Libreville en 1917 et décédé le 8 juin 1940.
Cursus
A l’âge de huit ans, le jeune Charles N’Tchoréré prend le chemin de l’école et fait ses études à l’école Montfort administrée par des missionnaires catholiques, les frères de Saint-Gabriel. Il y poursuit son éducation jusqu’en 1912. Il met alors un terme à ses études pour obtenir un emploi. Cette pratique qui était courante à l’époque, le plus important en ces temps pour un indigène était de maîtriser la lecture et l’écriture.
Début de son engagement dans l’armée et ascension
Charles N’Tchoréré décroche, courant 2012, un poste d’agent commercial non loin du Gabon précisément au Cameroun qui est durant cette période une colonie africaine d’Allemagne. Mais en 1914, il est contraint de rentrer au pays car la Première Grande Guerre éclate, français et allemands étaient adversaires. Le sens du devoir pesant sur sa conscience et sur ses épaules, il prend alors la décision de combattre aux côtés de l’armée française deux ans plus tard. C’est alors qu’il s’engage dans l’un des principaux corps militaires appartenant aux troupes coloniales françaises « les tirailleurs sénégalais ».
Nous sommes en 1916. Exemplaire, dynamique et surtout instruit, Charles N’Tchoréré tire son épingle du jeu de ses premières armes. Tous ses confrères africains en disent du bien, même les soldats blancs avec qui il fut au front durant les quelques affrontements dont il prit part le couvre d’éloges. Au terme de ce premier conflit planétaire, Charles N’Tchoréré, une nomination vient parfaire cette aventure : il est fait sergent. L’année d’après, Charles N’Tchoréré obtient une nouvelle promotion : il monte au grade d’adjudant.
Charles N’Tchoréré s’envole alors pour une mission au Maroc. Mais l’homme souhaite dorénavant faire carrière dans l’armée, il se rend alors en Hexagone pour y suivre une formation. Il est admis à l’école militaire de Fréjus. Il réussit brillamment sa formation et est promu officier à titre indigène. On en veut pour preuve les épaulettes d’officier qu’il reçut à l’école d’infanterie de Saint-Maixant, congratulé par ses supérieurs militaires français en raison de son sens du devoir, de sa discipline et de son attachement à la patrie.
Il est à cette époque l’un des rares africains à atteindre ce grade et il est aussi à noter qu’en ces temps seuls les africains de quatre communes du Sénégal (Saint-Louis, Dakar, Gorée et Rufisque) possédaient les mêmes droits que les français d’origine. A la suite de cela, Charles N’Tchoréré est envoyé en mission au Moyen-Orient notamment en Syrie. Mais lors des combats, il est blessé et est donc renvoyé en Afrique en 1925. Il est alors envoyé en mission au Soudan français (actuelle République du Mali) dans la petite ville de Kati dans laquelle il occupe les postes de Commandant de l’Ecole des enfants de troupe de Kati et de Commandant de la compagnie hors rang du 2ème régiment des tirailleurs sénégalais.
Sur place, il rédige un article sur le Gabon qui paraît dans « La revue des troupes coloniales », une revue mensuelle qui traitait des missions et de la vie des militaires dans les colonies françaises d’Afrique et qui était publiée officiellement par le ministre de la guerre. C’est ce dernier qui rédigea un témoignage plein d’allégresse à l’endroit de Charles N’Tchoréré. Cette marque particulière et importante d’attention dudit ministre lui valut d’être promu en 1926 lieutenant à titre indigène.
En 1927, Charles N’Tchoréré devient lieutenant cette fois à titre français. Six années après, il est promu capitaine et se voit confié au Sénégal, la gestion de l’Ecole des enfants de troupe de Saint-Louis-du Sénégal (aujourd’hui Prytanée militaire Charles N’Tchoréré de Saint-Louis du Sénégal) dont la mission était de répondre aux besoins de l’Afrique Occidentale Française (AOF)en cadre possédant une formation intellectuelle et technique de qualité. Le capitaine N’Tchoréré occupera ce poste jusqu’en 1936. Il regagne le Gabon pour un long séjour entre 1937 et 1939.
Derniers faits d’armes à Airaines
En 1939, le monde rentre à nouveau en guerre : c’est le début du second conflit planétaire. Le capitaine Charles N’Tchoréré demande alors à ses supérieurs hiérarchiques de le convoquer pour qu’il puisse combattre pour les intérêts de la France. En juin 1940, Charles N’Tchoréré se voit octroyé la nationalité française. Il est envoyé combattre en région de Hauts-de-France dans le département de la somme. Il est à la tête d’un commandement de volontaires notamment la 5ème compagnie du 2ème bataillon aux ordres du commandant Seymour, du 53ème régiment d’infanterie coloniale mixte sénégalaise qui lui est aux ordres du colonel Polidori.
Respecté et admiré par ses frères d’armes placés sous son commandement ou non, de quelque peau que ce soit, la mission de ces troupes coloniales est d’empêcher que les troupes allemandes puissent s’emparer de la commune d’Airaines. Pour ce faire, la compagnie à laquelle est affectée le capitaine Charles N’Tchoréré établit une base stratégique au nord de la ville pour contrer efficacement les attaques des nazis qui, ils le savent, chercheront à tout à s’emparer du bourg.
Les allemands passent à l’attaque le 5 juin mais celle-ci est un échec. Le lendemain, les troupes allemandes lancent un second assaut bien plus virulent que celui de la veille. Les tirs sont intensément nourris et les bombardements des quelques avions de la flotte allemande défigurent la petite ville souvent si calme et si attrayante. Cependant, les hommes du capitaine franco-gabonais n’abdiquent pas pour autant, ils sont comme possédés par une détermination inouïe. Face à cette solidité défensive, les allemands essayent de faire preuve de roublardise.
Ils feignent de rentrer en négociations avec les troupes françaises mais dans le même temps, ils essayent de contourner la ville afin de prendre de court les point d’appui des résistants. Bienheureusement, les troupes françaises anticipent le traquenard et repoussent dans la forêt, par le biais de la compagnie du capitaine N’Tchoréré, les infiltrés allemands. Dans la nuit du 6 au 7 juin, les allemands tentent à nouveau un assaut avec chars d’assaut à l’appui. Les hommes du capitaine N’Tchoréré réussissent l’exploit de mettre hors d’état de nuire, huit des nombreux chars allemands. Une fois de plus, les allemands battent en retraite.
Mais hélas, certains infiltrés allemands parviennent à s’introduire dans l’armurerie du bataillon et la font exploser. Il faut désormais chercher une issue de sortie pour les troupes françaises car les munitions deviendront de plus en plus moindres. Le bataillon décide de s’enfuir vers le Sud sous la direction du Seymour. Le Capitaine N’Tchoréré lui décide de couvrir les soldats restés aux côtés de Seymour, eux qui se dirigent vers le barrage ennemi d’encerclement pour forcer le passage et disparaître dans les bois.
Les allemands qui sont mieux armés arrivent finalement à venir à bout des troupes françaises, dépourvues de munitions. Il est 22 heures quand les derniers résistants dont dix africains et cinq européens en tête desquels le capitaine Charles N’Tchoréré décident à contre-cœur de se rendre. Les allemandes divisent alors leurs prisonniers de guerre en deux groupes distincts : un groupe constitué d’africains et un autre composé uniquement de blancs.
Exécution sommaire
Lorsqu’il est capturé avec ses hommes, Charles N’Tchoréré dénonce avec véhémence, l’attitude raciste des allemands qui n’ont pas daigné respecter le grade d’officier français qu’il était en dépit de sa peau noire. Pour les nazis, il était impensable voire inimaginable qu’une « peau foncée » puisse être un haut gradé d’une armée européenne. Les compagnons de guerre du capitaine font eux aussi entendre leur voix mais c’était sans compter sur la barbarie des allemands.
Le capitaine Charles N’Tchoréré est lâchement assassiné par une balle tirée derrière sa tête. On est le 7 juin 1940. Charles N’Tchoréré était à sa 43ème année d’existence. D’aucuns disent que les chenilles d’un panzer l’auraient écrasé (char d’assaut allemand), d’autres affirment que son corps n’a jamais été retrouvé car sa mise à mort violait outrageusement la Convention de Genève du 27 juillet 1929 dont les traités dictent clairement les règles de conduite à adopter en période de conflits armés notamment la protection des civils ou encore des prisonniers de guerre.
Hommages et distinctions
En 1962, un timbre de la poste gabonaise a été édité en la mémoire du capitaine Charles N’Tchoréré. A Libreville, sa terre natale, une statue de Charles N’Tchoréré a été instituée et est localisé au quartier « rénovation ». Entre 2014 et 2015, le réalisateur et producteur de cinéma franco-algérien Rachid Bouchareb a collaboré avec l’historien et documentariste français Pascal Blanchard pour rendre à leur façon un hommage mérité au capitaine Charles N’Tchoréré en réalisant un portrait dans leur série-documentaire télévisée du nom de « Frères d’armes : Ils se sont battus depuis plus d’un siècle ».
A Airaines, ville dans laquelle il fut lâchement assassiné, une voie publique porte son nom, il s’agit de « l’Avenue du Capitaine N’Tchoréré » ; un monument à la mémoire du capitaine N’Tchoréré et des combattants africains de l’armée française a aussi été érigée à Airaines et est représenté par un mur blanc sur lequel figure ces mots : « Au capitaine N’Tchoréré mort héroïquement le 7 juin 1940 et à tous les combattants d’Afrique noire qui ont versé leur sang pour la France ».
En 2014, la 198ème session de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) avait choisi de prendre pour nom « session capitaine Charles N’Tchoréré ». Au Sénégal, Charles N’Tchoréré est l’éponyme du prytanée militaire de Saint-Louis le « Prytanée militaire Charles N’Tchoréré de Saint-Louis du Sénégal. La promotion 1957-1959 de l’Ecole de formation des officiers ressortissants des territoires d’outre-mer (EFORTOM Fréjus) avait choisi de prendre pour nom « promotion Charles N’Tchoréré ».
Concernant les distinctions qu’il obtint pour ses faits d’armes, Charles N’Tchoréré reçu le 11 décembre 1925 la Croix de guerre des théâtres d’opérations extérieures avec étoile d’argent, la distinction de chevalier de l’ordre de l’étoile noire du Bénin en 1926, celle de chevalier de la légion d’honneur le 31 décembre 1930, la Croix de guerre 1939-1945 avec étoile de vermeil. En octobre 1940, il a été cité à titre posthume à l’ordre de la division « Commandant de compagnie plein d’allant et de bravoure. Lors des combats des 5, 6 et 7 juin 1940, a infligé à l’ennemi des pertes sérieuses. A donné à tous du mépris du danger par son activité sous le feu de l’ennemi ».
Puis en août 1954, il a été cité à titre posthume à l’ordre de la division « Commandant de compagnie plein d’allant et de bravoure. Lors des combats des 5, 6 et 7 juin 1940, a infligé à l’ennemi des pertes sérieuses. A donné à tous du mépris du danger par son activité sous le feu de l’ennemi. A trouvé une mort glorieuse au cours de l’action du 7 juin 1940 ».
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