Reforme du Code civil au Gabon : Egalité des sexes ou égalité des citoyens devant la loi ?
Le projet de modification du Code civil gabonais du gouvernement continue de susciter la polémique. Dans cette analyse, le citoyen libre Yvan-Cédric Nzé brosse l’état des lieux de la question de l’égalité des sexes dans notre pays. Avant de s’interroger sur les « basses intentions du gouvernement » Ossouka sur des dispositions qui manque pas de susciter le débat.
Le communiqué du Conseil des ministres du mardi 23 mars 2021 a mis en émoi les réseaux sociaux gabonais et l’opinion nationale. En effet l’intention du gouvernement de promouvoir davantage l’égalité des sexes a été accueillie avec une certaine suspicion voire du rejet. Deux points semblent outrer une bonne franche de l’opinion nationale notamment : la suppression de l’obligation d’obéissance pour les femmes à l’égard de leurs époux et surtout la perte exclusive du statut de chef famille pour le mari.
Ces sujets, méritent que chaque citoyen désireux de participer à la construction du Gabon se prononce. Même si nous savons depuis longtemps que l’exécutif modifie souvent les lois pour parfaire son image vue de l’Occident et sans associer les gabonais au débat. Je suis également conscient comme tous les Gabonais que le régime soulève certains sujets rien que pour nous distraire cf. le mariage coutumier.
Au-delà de ces basses intentions du gouvernement, dans cette tribune je partage mon point de vue. Je précise d’entrée de jeu pour que cette question ne parasite aucun lecteur, que je suis marié selon nos us et coutumes et selon les lois en vigueurs dans notre pays. Je suis également père.
Cette question étant évacuée, je me lance :
Le rôle de chef de famille n’échoit nécessairement plus à l’homme mais est remplacé par un exercice commun
Lorsque deux personnes se rencontrent, je ne suis pas sûr qu’ils regardent ce que dit le code civil pour savoir comment ils vont régir leur couple. Les relations interpersonnelles y compris celles de couples et en dépit des pesanteurs culturelles, n’ont jamais été régies par le code civil mais plutôt par la personnalité, le tempérament, l’éducation, le vécu, le degré d’amour etc des personnes impliquées dans la relation.
En réalité le leadership dans un couple est dépendant des critères évoqués précédemment. Le code civil ne rentre en ligne de compte qu’en cas de litige porté devant un magistrat. J’insiste sur le fait que le code civil n’a pas vocation à dire aux individus comment ils doivent s’organiser dans leurs foyers respectifs. Mais, par contre, il est du devoir du législateur de s’assurer que tous les individus sont traités à égalité en cas de litiges.
Le code civil a vocation dans le cas d’espèce pour les litiges entre les couples mariés légalement, or d’après le RGPL 2013 (dernier recensement officiel), seul 13,34% des personnes vivants en couples au Gabon sont mariés légalement.
On peut noter que 54% des couples au Gabon sont en « unions libres ». Unions libres qui au-delà de ce que l’on peut penser, fonctionnent avec un chef de famille qui n’a pas été désigné par le code civil et surtout les relations de couples sont antérieures au code civil. C’est la preuve qu’aucun couple n’attend le code civil pour s’organiser.
J’aimerais à ce stade de mon propos insister sur le fait que 54% des personnes en couples le sont en dehors tout cadre si ce n’est le cadre sociologique. S’il existait dans notre pays des personnes soucieuses de la cellule familiale, une réflexion serait menée pour comprendre d’où vient cette anomalie. Dans un pays où les gens confessent volontairement l’attachement aux traditions et au christianisme pourquoi il y a-t-il si peu de mariages. Bien évidemment la réflexion devrait être suivie d’actions concrètes.
Cette question du code civil, devrait en réalité être un bon prétexte, pour les républicains de tous bords, pour dire à ceux qui nous dirigent (?) quel genre de société nous voulons.
Bien souvent on entend les gabonais revendiquer leurs attachement à leurs racines traditionnelles et surtout l’ancrage religieux mais force est de constater que le Gabon est un pays avec des mœurs libérales voire dissolues.
Cette position de chef de famille que les hommes souhaitent conserver, à l’observation de la société gabonaise, elle est souvent abandonnée aux femmes. En effet le RGPL 2013 nous apprend que 30% des chefs de famille sont des femmes au Gabon. Notre pays est un rare pays d’Afrique où il y a autant de familles monoparentales et cela devrait être un vrai point d’alerte sur notre société et le type de société que nous voulons.
Très honnêtement qui en observant la société gabonaise ne voit pas l’échec des pères de famille et plus globalement l’éclatement de la cellule familiale ? Pour le coup, il serait intéressant de réfléchir à l’exercice du rôle de chef de famille. Nous vivons dans une société où on peine à déceler les valeurs qui régissent les interactions si ce n’est selon moi, l’argent et le sexe.
Ensuite, je veux également rappeler que Chef de famille ne veut pas dire chef de son épouse mais chef de sa famille dont son épouse fait bien évidemment partie. Le vrai leadership ne se décrète pas, il se vit. Si l’homme veut avoir une place prépondérante dans le foyer, il lui revient de vivre comme un chef de famille avec le cortège de sacrifices que cela suppose. Etre chef de famille ce n’est pas rouer de coups son épouse ou multiplier les « tchizas » au détriment du bonheur de sa progéniture mais c’est surtout au quotidien se mettre au service de sa famille.
Je veux faire une parenthèse sur le Christianisme, le Christ n’est pas devenu le chef de l’Eglise par des injonctions, mais en donnant sa vie pour elle. Ainsi, si un homme veut que sa femme lui soit soumise comme l’Eglise est soumise à Christ, alors, il doit être prêt à donner sa vie pour sa femme et sa famille.
Enfin, je me permets une digression pour ceux qui s’interrogent sur ce qu’il adviendra du paiement de la dot, j’ai deux réponses :
- A l’heure où nous parlons la dot n’est pas reconnue par le code civil donc sans rapport avec la modification.
- Sortons de l’hypocrisie. Lors d’une cérémonie de mariage traditionnel, la famille de l’homme dépense-t-elle plus que la famille de la femme qui reçoit (la cérémonie à lieu chez la femme) ? plus les nombreux présents qui sont offert en retour (coqs, poules, moutons, …) ?
Donc oui la famille de l’homme devrait continuer de payer la dot car c’est le sens de nos coutumes et la famille de la femme continuera de recevoir.
Pour finir, parlons si vous le souhaitez, de la question des femmes bientôt exemptées de l’obéissance due à leurs époux
Selon le Larousse, l’obéissance c’est l’action ou habitude d’obéir, de faire ce qui est commandé exemple : l’obéissance des enfants à leurs parents.
Selon le Larousse, obéir c’est se soumettre à la volonté de quelqu’un, à un règlement, exécuter un ordre exemple : obéir à ses parents, à la loi.
Je ne comprends pas qu’un jour on ait inscrit l’exigence d’obéissance de la femme à son époux dans le code civil, la relation d’obéissance s’applique entre un maitre et son esclave, ou un enfant vis-à-vis de ses parents, un citoyen vis-à-vis de la loi. Une épouse est-elle également un enfant ? Si c’est le cas est ce qu’on se met nu devant son enfant ? Je pense à titre personnel que j’attends de mon épouse en plus de l’amour, que l’on se respecte mais certainement pas qu’elle m’obéisse.
Lorsque dans la constitution Gabonaise en préambule, il est déclaré « Les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en Droits » pourquoi n’a-t-on jamais rajouté sauf les femmes mariées qui doivent obéissance à leurs maris ? Si les hommes et les femmes sont égaux en droits au Gabon alors de deux choses l’une, soient les époux se doivent une obéissance mutuelle ou ce terme doit être banni.
Débat de société : Quel type de société voulons-nous au Gabon ?
Le hic du projet de loi c’est la facilitation des divorces. D’où vient cette idée de faciliter les divorces ? Ce point n’a pas malheureusement attiré l’attention de l’opinion publique. N’est-il pas dangereux pour une société qui a déjà plus de 30% de famille monoparentale, de faciliter les divorces ? Je terminerais en disant qu’il appartient aux gabonais(e)s de définir la société dans laquelle ils et elles veulent vivre.
Yvan–Cédric NZE
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