Affaire Wada

Exclusif : la famille de Blaise Wada livre sa part de vérité sur le procès et sa condamnation

Exclusif : la famille de Blaise Wada livre sa part de vérité sur le procès et sa condamnation
Blaise Wada avec l’un de ses avocats durant le procès © 2018 D.R./Info241

Condamné à 20 ans de prison et à une amende record de 2 milliards le 26 avril, la rédaction d’Info241 a rencontré la famille de Blaise Wada, premier haut fonctionnaire gabonais poursuivi dans le cadre des procès de l’opération Mamba. Dans cette interview exclusive, le fils aîné de Blaise Wada, Mesmin, revient sur les circonstances de ce procès hors-norme à rebondissements qui s’est tenu en 6 audiences depuis le 15 mars dernier. Non sans clamer l’innocence de Blaise Wada et dénoncer la « parodie de justice » dont il a été victime et pour laquelle il va se pourvoir en cassation.

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Pour la famille, « Blaise Wada n’est pas coupable des faits qui lui sont reprochés. Il est plutôt victime d’une mascarade politico-politicienne empreinte de règlement de comptes ». Blaise Wada dont l’ascension a été fulgurante serait ainsi victime de la jalousie de ses pairs, tapis dans l’ombre, qui auraient ainsi fomenté ces accusations calomnieuses qui datent du 10 janvier 2017 : « Blaise Wada est simplement victime d’une conspiration politique résultant d’une guerre de leadership entretenue dans les départements de Lekoko et Lebombi-Leyou ».

Info241 : Comment avez-vous accueilli la condamnation lue jeudi soir par la cour criminelle spéciale ? Votre frère est-il coupable de ces faits ? Fera-t-il appel de cette décision ?

Mesmin Wada : En toute objectivité, le jeudi 26 avril 2018 est un jour noir pour la famille et les populations de Lékoko (Haut-Ogooué) et ses environs. Mais surtout pour la justice gabonaise qui ne fait que confirmer tout le mal qu’on pense d’elle. Nous avons eu droit à une véritable parodie de justice ce jour. Comme vous le savez, notre frère a été placé sous mandat de dépôt à la suite d’une dénonciation calomnieuse le 10 janvier 2017. Il a été entendu au fond le 15 septembre de la même année soit 8 mois après sa détention préventive. Au cours de cette audience, il a confirmé ce qu’il avait dit à la DGR (direction générale des Recherches, ndlr) et lors de son incarcération : il n’a jamais détourné les fonds.

Lorsque la subjectivité, l’instrumentalisation menée par des gens tapis dans l’ombre entre dans un dossier judiciaire, nous ne pouvons tomber qu’à une telle parodie".

Suite à cela, nous avons été étonné, voire estomaqué, que le dossier soit traduit devant la Cour criminelle spéciale d’autant plus qu’aucune charge n’avait été retenue contre lui. Mais, qu’à cela ne tienne, notre frère s’est présenté devant Cour comme le premier justiciable alors qu’il n’était même pas le premier à être arrêté dans cette opération. Ce procès a eu 6 audiences d’instruction et une de plaidoirie au cours desquelles la présidente Akolly (Paulette Ayo Akolly, présidente de la Cour Criminelle spéciale - ndlr) a reconnu que le dossier était mal monté.

De toutes les façons, lorsque la subjectivité, l’instrumentalisation menée par des gens tapis dans l’ombre entre dans un dossier judiciaire, nous ne pouvons tomber qu’à une telle parodie. Nous avons constaté une incohérence flagrante entre les donneurs d’ordre qui ne sont pas compétents en matière judiciaire et les exécutants de la DGR à la CCS (Cour Criminelle spéciale) en passant par l’instruction. Le chef d’orchestre de cette manœuvre est un véritable gourou. Qu’à cela ne tienne, à chaque séance, notre frère a répondu à toutes les questions qui lui ont été posées en apportant des preuves. Mieux, le Comptable public est venu devant la Cour confirmer les dires de Blaise mais aussi l’ex-directeur général et le directeur technique de la Société nationale immobilière (SNI). Selon ces derniers, le projet ne souffre d’aucune carence. Où est le problème ?

Mme le président Akolly est sortie du palais de justice à bord de son véhicule blanc de 14h00 à plus de 18h40. Chez qui était-elle allée ? Faire quoi ?"

Ce que les gens ignorent c’est qu’à chaque audience nous mettions en place des petites unités de surveillance au hall et à l’extérieur du palais. Un fait nous a marqué pendant la suspension de l’audience en vue de la délibération : Mme le président Akolly est sortie du palais de justice à bord de son véhicule blanc de 14h00 à plus de 18h40. Chez qui était-elle allée ? Faire quoi ?

Pour répondre clairement à vos questions, nous avons très mal accueilli la condamnation qui a été lue par Mme Akolly le jeudi soir. Blaise Wada n’est pas coupable des faits qui lui sont reprochés. Il est plutôt victime d’une mascarade politico-politicienne empreinte de règlement de comptes laissant entrevoir une véritable volonté de nuire, d’humilier et de le detruire par quelques moyens que ce soient.

Nous continuons à faire confiance à la justice de notre pays et n’avons d’ailleurs pas de choix. La peine est trop lourde. Nous ne pouvons pas accepter l’inacceptable".

En ce qui concerne le pourvoi en cassation, il est bien normal que nous le ferons par le biais de son conseil. Nous continuons à faire confiance à la justice de notre pays et n’avons d’ailleurs pas de choix. La peine est trop lourde. Nous ne pouvons pas accepter l’inacceptable.

Info241 : Pourquoi selon vous, Blaise Wada est-il le seul à avoir été incriminé dans cette affaire de gestion des bassins versants de Libreville ? Dispose t-il des 2 milliards réclamés par la justice ?

Mesmin Wada : En posant cette question, vous comprenez aisément que dans le cadre de détournement des deniers publics une seule personne ne peut être incriminée d’autant plus qu’en finances publiques, la chaîne de la dépense fait intervenir plusieurs acteurs dont les principaux sont l’ordonnateur et le comptable public. Et en ce qui concerne l’UCET, il y a un troisième acteur important qui curieusement n’a jamais été cité ou présenté ne se fut ce que comme témoin. Il s’agit du directeur administratif et financier Ludovic Lekona.

Dans le cadre de détournement des deniers publics une seule personne ne peut être incriminée d’autant plus qu’en finances publiques, la chaîne de la dépense fait intervenir plusieurs acteurs".

La trahison ou la coopération seraient-elle les raisons de cette omission ? Le Gabon est pays de verres. Tout se voit et se sait. Si Blaise est le seul à être incriminé, comprenez que les raisons sont ailleurs. Blaise Wada est simplement victime d’une conspiration politique résultant d’une guerre de leadership entretenue dans les départements de Lekoko et Lebombi-Leyou. Car étant MBP (membre du bureau politique du parti démocratique gabonais, PDG au pouvoir - ndlr) et Coordinateur provincial adjoint du candidat Ali Bongo à l’élection présidentielle de 2016. L’homme a eu une ascension qui a suscité la jalousie de ses camarades du Parti et des autres hommes politiques proches du pouvoir de la province du Haut-Ogooué et précisément de la zone Moanda-Mounana-Bakoumba. Ayant les leviers du pouvoir, ses bourreaux ont maquillé leur affaire en détournement des deniers publics pour lui faire du mal.

La jalousie de ses camarades du Parti et des autres hommes politiques de la zone Moanda-Mounana-Bakoumba ayant les leviers du pouvoir, ont maquillé leur affaire en détournement des deniers publics pour lui faire du mal".

Quant à la question de savoir s’il dispose des deux milliards réclamés par la justice, nous disons qu’il n’en a pas. Blaise a quatre comptes bancaires dont trois au Gabon et un en France au Crédit lyonnais. De ces comptes dont certains sont actuellement déficitaires, Blaise a en tout et pour tout un million de F CFA actuellement. Où va-t-il avoir 2 milliards ? Mme Akolly a dit lors de sa décision qu’il avait des comptes bancaires en Suisse, en Chine et dans les paradis fiscaux (sic !). Qu’elle nous produise les relevés de ces comptes comme nous avons produit ceux du Gabon puisque elle seule a la vérité. De toutes les audiences, elle n’a jamais produit ces relevés pourtant elle a versé au dossier la lettre confidentielle que Blaise a adressée au président de la République. Qui lui a donné cette lettre et à quelles fins ?

Info241 : Durant le procès, il a été dit que votre père aurait écrit une lettre au président Ali bongo pour se confesser. Etes-vous au courant de son contenu ?

Mesmin Wada : OUI, il a écrit au président de la République et la lettre existe. La démarche consistait non pas à se confesser ou faire un aveu mais à édifier à la première Autorité sur l’exécution du programme, les vices de procédures de sa détention, les affaires politiques dans la circonscription Moanda-Mounana-Bakoumba à l’effet de solliciter la clémence du premier magistrat du pays. En toute franchise, la main sur le cœur, il s’est adressé au Président de la République et Distingué Camarade Président du Parti Démocratique Gabonais. Dans cette lettre, il a dit en effet avoir reçu des cadeaux de quelques opérateurs économiques qu’il était prêt à rembourser si « c’est ce qu’on appelle détournement des deniers publics ». Cette lettre a été lue en pleine audience par Mme Akolly.

La démarche consistait non pas à se confesser ou faire un aveu. Dans cette lettre, il a dit en effet avoir reçu des cadeaux de quelques opérateurs économiques qu’il était prêt à rembourser".

Il convient de noter que cette lettre en deux exemplaires a eu deux voies differentes pour parvenir au chef de l’Etat. L’un des deux exemplaires est passé par le canal du directeur de la prison et l’autre via monsieur Hervé Patrick Opianga.

Info241 : Croyez-vous en la justice gabonaise ? Pensez-vous que votre frère sera un jour innocenté ?

Mesmin Wada : Nous pensons qu’il y a une institution judiciaire au Gabon qui tant bien que mal s’efforce à rendre la justice. Toutefois, l’arrêt de la CCS sur l’affaire Wada soulève des doutes quant à indépendance et à l’impartialité de notre justice. Du coup, cette décision laisse planer le spectre d’une justice instrumentalisée et contrôlée par une main invisible d’autant plus que la sortie de Mme le Président de la CCS du Palais de Justice pendant la suspension de l’audience en vue de la délibération nous laisse perplexe.

L’affaire Wada soulève des doutes quant à indépendance et à l’impartialité de notre justice. Cette décision laisse planer le spectre d’une justice instrumentalisée et contrôlée par une main invisible".

A la question de savoir si un jour notre frère sera innocenté, nous vous disons que nous avons introduit un pourvoi en cassation. Autrement dit, nous continuons à faire confiance à la justice de notre pays nonobstant la déception du moment.

Info241 : Avez-vous un message à passer aux gabonais ? aux autorités ?

Mesmin Wada : Lorsque la subjectivité, le règlement de comptes rentre dans les affaires judiciaires, les résultats ne peuvent qu’être ceux-là. Vous comprenez l’acharnement envers ce compatriote qui pour la première fois au Gabon a lancé un projet ô combien salutaire pour les populations impactées. Nous resterons la tête haute. Blaise n’est peut-être pas parfait, mais il est de bon cœur. C’est un jeune et haut cadre dévoué au développement de son pays. Père d’une nombreuse famille, il ne souhaite que regagner son foyer.

Blaise n’est peut-être pas parfait, mais il est de bon cœur. C’est un jeune et haut cadre dévoué au développement de son pays. Il ne souhaite que regagner son foyer".

Aux autorités du pays en tête desquelles le président de la République, chef du gouvernement et président du conseil supérieur de la magistrature qui lors de son discours d’ouverture de la session du 7 septembre 2017 a dit : « J’ai toujours souligné avec insistance la nécessité d’offrir aux justiciables, une justice libre et indépendante, droite et tolérante, forte et équitable », nous sollicitons la clémence.

Nous appelons son attention et sa vigilance sur certains de ses collaborateurs proches qui ont des agendas cachés. Son directeur de cabinet et même Noureddine doivent veiller à ce que le chef de l’Etat ne soit pas trompé".

Nous disons que la vie d’un homme ne peut pas être pourrie de cette façon. Nous y croyons. Par ailleurs, nous appelons son attention et sa vigilance sur certains de ses collaborateurs proches qui ont des agendas cachés. Son directeur de cabinet et même Noureddine (le fils d’Ali Bongo, ndlr) doivent veiller à ce que le chef de l’Etat ne soit pas trompé.

Propos recueillis par Paul Ndong

@info241.com
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