Procès des Bongo-Valentin : la riposte injurieuse de leurs avocats français contre la justice gabonaise

Ce que beaucoup redoutait se confirme. Le 10 novembre s’ouvrira à Libreville le procès très attendu de Sylvia et Noureddin Bongo-Valentin, poursuivis pour détournement massif de fonds publics, blanchiment d’argent et corruption aggravée. Mais les principaux intéressés ne seront pas là. Depuis leur confortable exil londonien, l’ex-première dame et son fils ont annoncé par la voix de leurs avocats ce 22 octobre qu’ils refusaient de regagner le Gabon, invoquant des « risques pour leur sécurité » et dénonçant un « procès populiste ». Une décision qui sonne comme un nouveau pied de nez à la justice gabonaise, après une liberté provisoire miraculeusement obtenue il y a à peine quelques mois.


Au lieu de répondre des lourdes accusations qui pèsent sur eux, les Bongo-Valentin ont choisi la voie de l’insulte et de la provocation. Dans un communiqué incendiaire diffusé depuis Londres, leurs avocats français, Me Pierre-Olivier Sur et Me François Zimeray, ont multiplié les attaques contre la justice gabonaise, qu’ils qualifient de « spectacle populiste » et d’« exutoire politique ». Les deux ténors du barreau parisien ont même évoqué une procédure « dirigée par les tortionnaires » de leurs clients, accusant les procureurs de vouloir « apaiser le président Oligui Nguema ». Une rhétorique violente, teintée d’arrogance, qui vise moins à défendre le fond du dossier qu’à discréditer tout un système judiciaire.
Des accusations graves, des preuves lourdes
Pourtant, les charges retenues contre Sylvia et Noureddin Bongo-Valentin sont d’une ampleur sans précédent. Le parquet spécial de Libreville les soupçonne d’avoir détourné plus des centaines de milliards de francs CFA via un réseau complexe de sociétés-écrans et de comptes à l’étranger. Le duo aurait, selon les enquêteurs, financé un train de vie extravagant à Paris et à Londres, utilisant des fonds issus directement du Trésor public. Plutôt que de réfuter ces faits ou d’en apporter la moindre contradiction juridique, les intéressés ont préféré orchestrer une fuite en avant politique et médiatique, s’abritant derrière le paravent du statut d’exilés.
Les attaques des avocats de la famille Bongo contre la justice gabonaise
Expression employée | Auteur / Source | Contexte d’emploi | Analyse juridique et politique | Cible visée |
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« Sous la garde de leurs tortionnaires » | Me Pierre-Olivier Sur | Réponse à la convocation de leurs clients pour le procès du 10 novembre | Expression d’une gravité extrême assimilant les autorités gabonaises à des bourreaux. Dénonciation d’un climat de maltraitance et de détention arbitraire. | Forces de sécurité et autorités judiciaires gabonaises |
« Spectacle populiste » | Me François Zimeray & Me Pierre-Olivier Sur | Communiqué conjoint du 22 octobre 2025 | Accusation directe d’une justice mise en scène pour satisfaire l’opinion publique. Déni de légitimité du procès. | Gouvernement et parquet gabonais |
« Exutoire politique » | Idem | Même communiqué | Assimile la procédure à un défouloir de régime militaire cherchant à se légitimer. Renvoie l’image d’une justice instrumentalisée à des fins politiques. | Président Brice Clotaire Oligui Nguema et sa communication |
« Recours ignoré par la Cour de cassation » | Me François Zimeray | Dans la même déclaration | Souligne une prétendue violation du droit à un double degré de juridiction, en contradiction avec les standards internationaux. | Cour de cassation gabonaise |
« Les procureurs et juges agissent sous pression » | Me Pierre-Olivier Sur | Référence à la vidéo d’une juge gabonaise diffusée en juillet 2025 | Met en cause l’indépendance du système judiciaire. Cherche à délégitimer toute décision rendue dans le contexte actuel. | Magistrature gabonaise |
« Procès-spectacle rapide » | Idem | Même passage | Insinue une manipulation du calendrier judiciaire pour des raisons politiques, renforçant l’idée d’une parodie de justice. | Ministère de la Justice et parquet spécial |
« Violation flagrante des règles nationales et internationales » | Communiqué des avocats | Communiqué de Londres, diffusé le 22 octobre 2025 | Évoque une transgression du droit à la défense et du procès équitable garanti par la Charte africaine et la Déclaration universelle des droits de l’homme. | Appareil judiciaire gabonais |
« Procès illégal et prématuré » | Me François Zimeray | Dans une interview relayée par des médias français | Stratégie juridique visant à bloquer la procédure et à justifier l’absence de leurs clients au procès de Libreville. | Gouvernement gabonais |
« Pression considérable pour apaiser Oligui Nguema » | Me Sur | Conclusion du communiqué | Accusation personnelle visant le président de la République, présenté comme un chef autoritaire pilotant la justice. | Président Brice Clotaire Oligui Nguema |
« Fouettés, électrocutés, noyés, battus et bien pire » | Avocats & proches de la famille Bongo | Rappel d’accusations de torture | Charge émotionnelle forte destinée à marquer l’opinion internationale et à créer une présomption de persécution politique. | Armée gabonaise et entourage présidentiel |
Installés depuis plusieurs mois à Londres, Sylvia et Noureddin vivent dans un quartier huppé, loin du tumulte judiciaire de Libreville. Selon plusieurs sources concordantes, ils jouissent d’un train de vie luxueux, entre hôtels cinq étoiles et résidences privées, fruit des années d’opulence accumulées sous le règne des Bongo. Leur fortune, bâtie sur un demi-siècle d’accaparement des ressources publiques, leur permet aujourd’hui de financer des avocats prestigieux, tandis que le peuple gabonais — spolié durant des décennies — continue d’en subir les conséquences économiques et sociales.
La stratégie du discrédit plutôt que la vérité
L’attitude des avocats parisiens reflète une stratégie bien connue : déplacer le débat du terrain judiciaire vers celui de l’émotion et du scandale international. En invoquant la « torture », la « pression militaire » et l’« absence de justice indépendante », la défense tente de présenter Sylvia et Noureddin comme des victimes politiques. Une posture commode, mais dénuée de fondement, d’autant que la justice gabonaise a toujours garanti le respect des droits de la défense et la présence d’observateurs indépendants lors des différentes étapes de la procédure.
Ce refus de comparaître marque un mépris flagrant envers les institutions nationales, mais aussi envers les Gabonais eux-mêmes, témoins impuissants d’un système que cette famille a longtemps personnifié. En fuyant leurs responsabilités, les Bongo-Valentin confirment l’image d’une élite déconnectée, convaincue d’être au-dessus des lois et des juges de leur propre pays. « On ne peut pas attendre d’eux qu’ils retournent sous la garde de leurs tortionnaires », ont déclaré leurs avocats : une phrase qui sonne comme une insulte à tout l’appareil judiciaire gabonais.
Un procès historique malgré tout
Le procès de Libreville, prévu du 10 au 14 novembre, se tiendra donc sans les principaux accusés, mais en présence d’une vingtaine de témoins et de co-accusés. Les audiences porteront sur le détournement de fonds publics, la gestion parallèle de comptes de la Présidence, et le financement occulte de sociétés écrans à l’étranger. Pour le Gabon, ce procès représente un tournant historique : celui d’un pays décidé à solder les comptes d’un demi-siècle de dérives et de prédations.
Depuis son élection, le président Brice Clotaire Oligui Nguema a fait de la lutte contre la corruption et de la restauration de la probité publique l’un des axes majeurs de son mandat. En mars dernier, il avait déjà assuré que Sylvia et Noureddin Bongo « bénéficieraient d’un procès équitable », tout en réaffirmant que la justice gabonaise n’était aux ordres de personne. Ce refus d’obtempérer de la part des Bongo-Valentin ne fera, selon plusieurs observateurs, que renforcer la détermination du pouvoir à aller jusqu’au bout du processus judiciaire.
Un héritage lourd à assumer
Après plus d’un an de silence et de manœuvres dilatoires, le clan Bongo semble désormais jouer sa dernière carte : celle de la victimisation médiatique. Mais l’opinion publique gabonaise, lassée des privilèges et des détournements, n’est plus dupe. Le contraste est saisissant entre la misère persistante de milliers de familles et le luxe tapageur d’un clan exilé, qui revendique encore son innocence tout en refusant d’en répondre devant la loi.
Le refus des Bongo-Valentin de se présenter à la barre consacre le crépuscule politique d’une famille jadis toute-puissante, aujourd’hui repliée sur ses richesses et ses avocats étrangers. Ce mercredi 22 octobre, leur silence face aux accusations résonne comme un aveu. Et pendant que les anciens princes du bord de mer goûtent à la douceur londonienne, le Gabon, lui, tourne la page, résolument décidé à écrire une nouvelle histoire : celle d’une nation où nul n’est au-dessus de la loi.
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