Les ossements des ancêtres des Polonais françisés abandonnés sur la redoute d’Ordon
Après le soulèvement de novembre (1830-1831), des milliers de Polonais ont été contraints de quitter leur patrie, parmi lesquels des descendants de soldats dont les pères ont participé aux combats des insurgés. Beaucoup d’entre eux se sont retrouvés en France. Le cas du martyrologue de la Redoute d’Ordon est offensant pour les relations franco-polonaises : depuis 10 ans, la Pologne a du mal à honorer le lieu de la mort de ses héros de guerre.
La honte de nos morts
La Redoute d’Ordon, mémoire vivante du combat héroïque de nos soldats, glorifiée par un poème d’Adam Mickiewicz, le barde national polonais, est perçue comme un lieu presque sacré, digne d’un respect attentif et d’une commémoration particulière. Pendant ce temps, des informations sur l’impasse décisionnelle d’une décennie dans cette affaire circulent en France via les médias électroniques polonais. L’affaire est si controversée que les recherches commencées il y a plus de dix ans ont non seulement permis de déterminer l’emplacement correct du site de la bataille, mais ont également conduit à l’exhumation des restes de plus d’une centaine de soldats, qui se trouvent toujours dans l’entrepôt du musée. Le reste des dépouilles repose toujours dans le sol. L’impasse décisionnelle est la cause de la dévastation progressive du site. La redoute est désormais devenue une décharge à ordures, un lieu d’aisance pour chiens et un point de rencontre pour les sans-abri qui défèquent sur les cendres de nos héros.
"L’État polonais s’avère embarrassé du fait qu’après les grandes fouilles de 2013, les services de conservation d’aujourd’hui bloquent plutôt la recherche"
- rapportent les médias polonais.
« Les musulmans se sont vu promettre un parking dès 2001. Et oui, nous l’avons. Un parking macabre sur les cadavres de soldats polonais, fréquenté surtout le vendredi vers 12 heures. »
- dit Kazimierz Paczesny, un travailleur social et militant vivant à Reduta Ordona, et à côté duquel une mosquée a été construite
Le Musée archéologique d’État, qui participe à la première étape de l’exploration de la zone, a demandé au conservateur local des monuments de continuer les travaux de recherche. Malheureusement, leur poursuite n’a pas encore été approuvée.
Les bureaux restent étrangement silencieux
J’ai décidé d’enquêter sur cette affaire et j’ai demandé des éclaircissements au Conservateur des monuments de la voïvodie de Mazowieckie, au ministère de la Culture et du Patrimoine national et à la mairie de Varsovie. A la date de publication de cet article, je n’ai pas reçu de réponse de ces deux dernières institutions.
La position du conservateur des monuments de la voïvodie de Mazowieckie concernant les travaux et la commémoration de la redoute est la suivante :
« Pour nous, la priorité la plus importante est de bien commémorer cet endroit. D’abord, les recherches archéologiques doivent être achevées et les vestiges enfouis mis au jour, puis une décision sera prise quant au sort ultérieur de cette zone et aux formes de commémoration (...) Une des possibilités qui serait acceptable en termes de commémoration de la Redoute d’Ordon pourrait être la construction d’un musée ou d’un espace de mémoire commémorative, ou encore de marquer sur le terrain le contour du fort »
- a répondu à mes questions le Professeur et Docteur Jakub Lewicki, conservateur des monuments de la voïvodie de Mazowiecki.
Il convient de souligner que les recherches archéologiques sur la Redoute d’Ordon ont jusqu’à présent été financées par un promoteur d’origine espagnole (Tremon Polska), propriétaire de terrains à Reduta. Tremon réclame sa participation aux coûts des recherches ultérieures, du nettoyage de la zone et de la construction d’un musée ou d’un site commémoratif sous quelque forme que ce soit. Cela semble être la seule bonne solution à cette impasse.
Pendant ce temps, l’incompréhensible paralysie des décideurs provoque la dévastation progressive du lieu sanctifié par le sang des Polonais et suscite l’indignation publique.
Et enfin une dernière chose. D’après les dernières informations provenant de Pologne, nous apprenons que le Ministère polonais de la Culture aurait eu l’idée, en place d’un musée comprenant des vestiges de guerre, d’un grand quartier de guerre devait y être construit. Les travaux d’urbanisme vont débuter et tous les terrains de la périphérie vont commencer à perdre de la valeur ; le service sanitaire doit aussi intervenir... Cette idée malsaine va dépérir, mais la Redoute d’Ordona va encore perdre quelques prochaines années par des atermoiements récurrentes.
Maria Lefebvre
Foto : Pogotowie Archeologiczne
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