Ghislaine Regnongo : « Le défi du Gabon de demain est purement éducationnel et culturel »
La juriste gabonaise, Ghislaine Regnongo, présidente de l’ONG, Actions Gabon a dévoilé sa vision politique d’un Gabon Nouveau en pointant les défis éducationnels et culturels du pays. Ce, à l’occasion du conclave organisé par le think tank, Cercle de réflexion stratégique du Gabon à Paris, le 07 décembre, 1ère édition du forum « Le Gabon face aux défis d’avenir ». Dans ce cadre, Info241, partenaire de l’événement vous livre l’intégralité de la tribune libre de la citoyenne résolument engagée pour la restauration d’un Etat droit « Tradi-moderne » en terre gabonaise.
Intervenante dans le panel ’’Réformes institutionnelles", Mme Ghislaine Regnongo s’est exprimée en ces termes : « Je salue le think tank « Cercle de Réflexion Stratégique du Gabon » pour cette initiative d’analyse sur le Gabon face aux défis d’avenir qui nous interpelle tous. Au nom du club Actions Gabon que je préside, je salue la présence remarquée de Madame La Ministre, Laura Flessel qui nous a fait l’honneur d’avoir répondu à notre invitation. Je suis une actrice de la nouvelle génération de Gabonais et de Gabonaises désormais motivés pour prendre en charge les affaires de leur pays, je vous remercie pour cette invitation ».
La juriste gabonaise Ghislaine Regnongo à côté de son invitée de marque Mme Laura Flessel
Trouvez dans les lignes qui suivent l’intégralité de son discours qui a marqué la 1ère édition du forum « Le Gabon face aux défis d’avenir ».
Si on parle du Gabon nouveau, c’est qu’il y a un Gabon ancien. C’est que le Gabon du passé ne nous intéresse plus, ou qu’il n’a pas répondu à nos attentes. Et si nous sommes là, c’est aussi peut-être qu’on a fait le même constat. Ca ne marche pas. Notre beau pays n’est pas debout. Et pourtant nous sommes riches. Riches de TOUT. Et TOUT le monde le sait bien évidemment.
Je parie sur une chose c’est que la majorité des gabonais n’ont pas le sourire aux lèvres et même ceux qui l’ont n’en sont pas fiers. Une fois qu’on a dit ça que fait-on ? On se regarde ? On prie ? Les chapelets s’égrènent très bien au Gabon, et les églises tournent à 1000 à l’heure. Ne faisons pas l’économie des confréries et des sociétés secrètes, elles aussi sont dans la danse.
Tout le monde se bouscule. Et on entend ici et là des voix assourdissantes « La piste est à moi ! » ; « Pousse toi pour que je mette ! » ; « Entendez-vous, on en a marre », dit le troisième. Et le quatrième dit « Et pourtant ils mangent ensembles ». Ce qui est vrai pour le Gabon, l’est pour le Congo, le Cameroun, la Côte d’Ivoire etc. Vous en savez plus que moi.
Puisque nous avons fait le même diagnostic, quelles solutions pouvons-nous apporter pour remettre le Gabon debout ? Nous ne sommes pas la première génération à nous poser cette question, ce fut le cas des Gabonais de la deuxième décennie des indépendances. Permettez que je sélectionne cette période parce que au moins à ce moment-là la prise de conscience était générale et que nos pères et mères, chacun en compétence et en détermination, voulait mettre en route une nation généreuse qui nourrit, qui éduque, qui soigne et qui sécurise. Nos parents étaient à l’époque en train d’inventer un Gabon moderne. Non, plutôt un Gabon « Tradi-moderne ».
Vous en conviendrez avec moi, nous sommes tradition et nous sommes culture. Les institutions qu’ils avaient mises en route étaient à la hauteur des enjeux et des ambitions de la jeune nation gabonaise. La preuve, nous sommes le fruit de cette génération d’institutions. Le défi de demain est purement éducationnel le peuple étant l’ADN de la nation. Un peuple bien éduqué est un peuple libre qui revendique ses droits. Ce n’est que ce peuple-là qui peut parler de l’état de droit et qui mérite l’état de droit.
Il n’est nullement économique. Le Gabon pourrait même vivre en autarcie s’il s’en donnait les moyens. Parce que ce pays est une curiosité dans le concert des nations. Le sous-sol gabonais est très riche, la terre gabonaise est très fertile, le climat gabonais est excellent, ne sommes-nous pas en équateur ? La ressource humaine gabonaise, fière de son talent serait bien positionnée au classement mondial si elle avait respecté le patriotisme des années 70.
MAIS OUVREZ LES YEUX BON SANG !
Tout est question de fondation. Qu’il s’agisse d’une famille ou d’une nation. La fondation dans notre cher pays n’est pas bonne. Il faut la revoir. Ce n’est pas la révolution que je propose mais une refondation. Qu’est-ce que la refondation ? Qu’il me soit permis de répondre par une sagesse bien africaine. « Quand le clappement des mains ne produit plus la belle mélodie dansante pour inspirer les pas de danse on arrête tout et on recommence ».
Autrement dit pour ceux d’entre nous qui accordent peu d’importance aux valeurs fondamentales gabonaises, la refondation veut simplement dire que nos institutions n’ayant pas été capables de fabriquer un état de droit incontesté et incontestable, n’ayant pas été capables de fabriquer une nation forte, n’ayant pas été capables de fabriquer un gabonais tradi-moderne, n’ayant pas été capables d’assurer à l’ensemble des gabonais la quiétude d’un citoyen normal dans un monde moderne, force est de constater que les objectifs ne sont pas atteints.
Et comme ces institutions étaient pour une grande parti conçues par les coopérants étrangers où leurs admirateurs, il ne faut pas s’étonner qu’à l’heure du bilan ce ne soit que des pétards mouillés. Voilà ma lecture des raisons pour lesquelles notre beau pays n’a pas pu décoller. Et que, nos grands savants, nos grands conseillers et nos militants les plus déterminés, malgré la conquête de la rue, assistent impuissamment à la déchéance nationale. J’ai lu quelque part que 83% des enfants sont scolarisés selon un organisme international qui a pignon sur rue. Vous qui êtes Gabonais ! Est-ce que c’est vrai ? Où allons-nous vraiment avec ce mensonge qui semble nous arranger ?
Qui ment à qui et pourquoi ? : pistes de solutions
Je propose la tradi-modernité c’est-à-dire une éducation de base. J’insiste sur la base. Qu’est-ce que la base ? La base c’est le Gabon. Ses valeurs traditionnelles profondes et ses culturelles qui installent notre pays dans la modernité. Cela passe par une éducation citoyenne et une formation utile. Contrairement à une formation d’aujourd’hui qui ne sert presqu’à rien. Celle qui fabrique des chômeurs.
Des intelligences qui n’ont aucun lien avec les besoins de la société gabonaise. Vous pouvez constater sorti de cette salle que presque tous les métiers sont tenus par des étrangers au Gabon. Je n’exagère pas, ce n’est pas de la discrimination non plus, et croyez-moi je suis panafricaine. Si c’est cela que vous appelez le « développement » nous n’avons pas la même définition. Quand je propose la tradi-modernité je propose un compromis. C’est l’injection des valeurs traditionnelles dans le corpus de la modernité. Si la modernité est un impératif indubitable, en y injectant les valeurs traditionnelles on fabrique la tradi- modernité.
On ne va pas modifier ici la Constitution. N’empêche, nous pouvons affirmer sans risque de nous tromper que plusieurs points apportent de la confusion plutôt que de l’éclairage. Pour ne citer que le préambule de notre Constitution personne dans cette salle n’est suffisamment renseigné sur ce qui est le contenu de la tradition ou le contenu de la culture. Un peu comme si nos constituants n’avaient pas su inventorier ce qui appartient à la tradition et ce qui appartient à la culture.
Si vous permettez une citation : « Le peuple Gabonais… proclame solennellement son attachement à ses valeurs sociales profondes et traditionnelles, à son patrimoine culturel, matériel et spirituel, au respect des libertés, des droits et des devoirs du citoyen ». Un citoyen gabonais enraciné dans ses traditions et épanoui dans sa culture ne peut écrire cela. Qu’est-ce que ce citoyen gabonais ?
Autrement dit qui est-il ? C’est un compatriote doué de bon sens, enraciné dans sa valeur traditionnelle et pétrit dans les enjeux de la modernité. Autrement dit un tradi-moderne. Si les racines de l’arbre représentent ses traditions, les feuilles en ses bourgeons et fleurs représentent la culture. Si nous revenons sur la phrase de la Constitution citée, le patrimoine social, matériel et spirituel font partis de quel sous-ensemble (traditionnel ou culturel) ? Et la spiritualité ? De quelle spiritualité est-il question ? A quel sous-ensemble appartient la spiritualité ?
C’est la culture qui nous a emmené l’Islam et la Chrétienté. Ce n’est pas le fruit de la tradition. Il y a une spiritualité gabonaise bien originelle. Cela aurait été plus clair et simple de dire, si vous permettez ma contribution : « Le peuple Gabonais proclame son attachement aux valeurs traditionnelles, aux valeurs culturelles, aux libertés, aux droits et aux devoirs du citoyen ».
Nous, la nouvelle génération, exigeons que les institutions gabonaises soient dépouillées des scories et des malentendus. Les constitutionalistes et les grands sages du Gabon avec lesquels j’ai discuté sont de cet avis. Ainsi rénovée, notre Constitution et nos institutions refondées créeront un environnement propice au renouveau du citoyen Gabonais. Si vous me permettez je me mets à votre disposition pour les questions.
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