Bras de fer

Crise à la CNAMGS : La DG rebelle, défie son PCA et refuse de se plier à sa suspension conservatoire

Crise à la CNAMGS : La DG rebelle, défie son PCA et refuse de se plier à sa suspension conservatoire
Crise à la CNAMGS : La DG rebelle, défie son PCA et refuse de se plier à sa suspension conservatoire © 2025 D.R./Info241

C’est un nouveau séisme administratif qui ébranle depuis ce lundi la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS). Le président du conseil d’administration, Alain-Claude Kouakoua, a décidé, par courrier daté de ce 6 octobre, de suspendre à titre conservatoire la directrice générale, Nadia Christelle Koye. Une décision justifiée par des « faits graves et répétés » affectant le bon fonctionnement de l’organisme public. Mais la principale concernée a refusé de s’y plier, ouvrant un bras de fer sans précédent au sommet de l’une des institutions sociales les plus sensibles du pays.

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Une suspension qui met le feu aux poudres

La lettre de suspension, signée du PCA, indique que le conseil d’administration se réunira en session extraordinaire le 8 octobre pour « examiner la situation actuelle  ». D’ici là, il est expressément interdit à la directrice générale de se présenter dans les locaux de la CNAMGS. « Cette suspension prendra effet à compter de la notification de la présente », précise le courrier, adressé également à la présidence de la République, au ministère des Finances et à celui de la Santé. L’intérim ayant été confié au DGA Pierre Moussavou.

Le siège de la caisse au bord de mer à Libreville

Mais à Libreville, la mesure a aussitôt suscité un vent de contestation interne d’autant qu’elle a fuité sur la toile. Nadia Christelle Koye, dans une réponse cinglante dont Info241 a obtenu copie, a décidé de rendre les coups. Elle y dénonce une « décision unilatérale et illégale ». « Dans la Ve République, Son Excellence Brice Clotaire Oligui Nguema prône le respect du principe de légalité dans l’exercice des missions de service public », écrit-elle, rappelant que la suspension d’un directeur général ne peut intervenir que sur décision collégiale du conseil d’administration, conformément à l’article 29 du décret n°0076/PR/MAS fixant les statuts de la CNAMGS.

Des tensions institutionnelles latentes

Selon plusieurs sources proches du dossier, le conflit entre le PCA et la DG couvait depuis plusieurs mois. Des désaccords auraient éclaté autour de la gestion interne, des recrutements et du contrôle des dépenses. En toile de fond, des rivalités d’influence au sein même du ministère des Affaires sociales, tutelle technique de la CNAMGS. La lettre du PCA, aux termes sans équivoque, apparaît ainsi comme l’aboutissement d’une guerre larvée entre deux camps irréconciliables.

Dans sa réplique, la directrice générale fustige un « abus de pouvoir » et accuse son supérieur hiérarchique de vouloir s’arroger des prérogatives qui ne sont pas les siennes. « Le président du conseil n’est pas un supérieur hiérarchique du directeur général. Il ne saurait en aucune manière se substituer au conseil dans ses décisions », écrit-elle encore, invoquant la stricte séparation des fonctions de direction et de contrôle prévue par les statuts.

Une bataille de légitimité

En refusant de se soumettre, Nadia Christelle Koye joue sa survie administrative — mais aussi politique. Elle estime être victime d’un règlement de comptes orchestré par des « faucons » tapis dans l’ombre du conseil d’administration, cherchant à fragiliser la direction générale. « Il est inadmissible que des intérêts personnels viennent compromettre la stabilité d’un outil essentiel de solidarité nationale », a-t-elle confié à un proche collaborateur.

De son côté, le camp Kouakoua justifie la mesure par la nécessité de « protéger l’institution contre de graves dérives de gouvernance ». Dans son entourage, on évoque notamment des irrégularités dans l’attribution de marchés publics, des retards de paiement récurrents aux prestataires de santé et des tensions avec certains syndicats internes. Une situation jugée « intenable » pour l’équilibre de la CNAMGS.

Un symbole du pouvoir sous la Ve République

Ce bras de fer n’est pas anodin. Il révèle les contradictions d’un régime qui se veut réformateur mais dont les institutions restent minées par les luttes d’influence. Sous la présidence de Brice Clotaire Oligui Nguema, la CNAMGS, vitrine sociale de l’État, devient le théâtre d’une guerre de pouvoir qui met à nu les fragilités du système. Derrière la bataille administrative, c’est la question du contrôle des ressources publiques qui se pose avec acuité.

La CNAMGS, qui gère plusieurs dizaines de milliards de francs CFA chaque année, reste en effet un poste stratégique, autant administratif que politique. Y perdre le contrôle, c’est céder une part de l’influence économique du régime. Les ambitions individuelles et les logiques de clans se superposent ainsi à la volonté affichée de réforme.

Un climat délétère à haut risque

L’affaire, désormais publique, pourrait fragiliser davantage la crédibilité du gouvernement, déjà critiqué pour sa tolérance face aux fraudes électorales de septembre. Beaucoup y voient une illustration supplémentaire de la difficulté à instaurer une véritable gouvernance éthique. « On ne peut pas prétendre moraliser la vie publique et fermer les yeux sur les dérives des institutions sous tutelle », commente un haut fonctionnaire sous couvert d’anonymat.

Alors que le conseil d’administration doit se prononcer ce 8 octobre, les regards se tournent vers le vice-président du gouvernement et le chef de l’État, appelés à arbitrer ce conflit d’autorité. Quelle que soit l’issue, cette affaire laissera des traces et symbolisera une fois de plus la lente agonie d’une culture de gestion marquée par les privilèges et les intrigues.

Un scandale symptomatique d’un pouvoir en recomposition

Entre volonté de réforme et reproduction des réflexes anciens, la CNAMGS s’enlise dans un conflit qui dépasse largement ses murs. La chute annoncée ou le maintien de sa directrice générale révélera à quel point la Ve République d’Oligui Nguema est prête — ou non — à rompre avec les pratiques du passé. Car derrière les mots, c’est bien la survie d’un système qui se joue, entre loyautés politiques, protection des avantages et résistance à la réforme.

@info241.com
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