Plaidoirie

Affaire Mbanié : Les arguments de la Guinée équatoriale contre le Gabon devant La Haye

Affaire Mbanié : Les arguments de la Guinée équatoriale contre le Gabon devant La Haye
Affaire Mbanié : Les arguments de la Guinée équatoriale contre le Gabon devant La Haye © 2024 D.R./Info241

Depuis ce lundi à La Haye (Pays-Bas), le Gabon et la Guinée équatoriale sont devant la Cour internationale de justice (CIJ) pour régler leur différend frontalier concernant les îles Mbanié, Cocotiers et Conga. Mais quels sont les arguments avancés contre le Gabon ? La rédaction d’Info241 vous en expose quelques-uns, à partir du plaidoyer du Pr Pierre d’Argent, avocat de la Guinée équatoriale, qui s’est longuement exprimé ce jeudi lors du second tour des plaidoiries devant la CIJ.

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En effet, ce 3 octobre, lors du second tour des plaidoiries de la Guinée équatoriale devant la Cour internationale de justice (CIJ), le Pr Pierre d’Argent, avocat de la Guinée équatoriale, a exposé de façon approfondie les principaux arguments de son pays dans le différend frontalier qui l’oppose au Gabon. Voici les points essentiels de son plaidoyer.

Le plaidoyer du Pr d’Argent contre le Gabon

1. Contestation de la validité de la Convention de Bata

L’un des principaux arguments de la Guinée équatoriale concerne la remise en cause de la validité de la prétendue Convention de Bata, invoquée par le Gabon comme titre juridique central. Pierre d’Argent a mis en lumière plusieurs failles dans ce document. Tout d’abord, l’absence de l’original et la réapparition soudaine d’une copie en 2003 après des décennies de silence soulèvent des doutes quant à son existence et sa légitimité. Selon lui, la convention n’a jamais été appliquée, ce qui remet en cause sa force juridique. En conséquence, d’Argent a argumenté que ce document ne fait pas droit entre les parties, contrairement à ce que prétend le Gabon​.

2. La compétence de la Cour et le compromis de 2016

Le professeur belge a insisté sur le fait que le compromis de 2016, régissant la compétence de la CIJ, n’exige pas de la Cour qu’elle se concentre uniquement sur la Convention de Bata ou sur des documents contenant une délimitation claire des frontières. Le compromis permet à la Cour d’examiner toute convention internationale, traité ou titre juridique invoqué par les parties, pourvu qu’il concerne la délimitation terrestre, maritime ou la souveraineté sur les îles en question (Mbanié, Cocotiers et Conga). La Guinée équatoriale estime donc que d’autres instruments juridiques, comme la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (Montego Bay), sont tout aussi pertinents pour établir les relations entre les deux pays, notamment pour la délimitation des frontières maritimes​.

3. Précisions sur la notion de délimitation et de souveraineté

D’Argent a souligné que les termes du compromis de 2016 permettent une interprétation flexible. Ainsi, la Cour peut identifier des titres ou conventions qui concernent la délimitation ou la souveraineté, même si ces documents ne délimitent pas directement les frontières ou n’attribuent pas explicitement la souveraineté. La Guinée équatoriale considère que le droit international en vigueur, tel que la Convention de Montego Bay, fournit une base légale pour régir les relations maritimes entre les deux États, sans que la Convention de Bata soit indispensable​.

4. Le principe de succession d’États

Un autre point clé soulevé par la Guinée équatoriale concerne le principe de succession d’États. Pierre d’Argent a expliqué que lors des indépendances, les États successeurs, en l’occurrence le Gabon et la Guinée équatoriale, n’ont pas hérité des titres territoriaux de leurs anciennes puissances coloniales (la France et l’Espagne). Au contraire, ils sont devenus eux-mêmes titulaires de nouveaux titres territoriaux par la succession d’États. Ainsi, la Guinée équatoriale soutient que la Cour peut légitimement se prononcer sur ces titres juridiques résultant de la succession, notamment en ce qui concerne la délimitation terrestre et maritime, même sans document colonial délimitant précisément les frontières​.

5. Le droit coutumier : la terre domine la mer

Le Pr d’Argent a également mis en avant le principe de droit coutumier selon lequel « la terre domine la mer ». Ce principe est crucial pour la délimitation des frontières maritimes, et la Guinée équatoriale soutient que la délimitation terrestre doit en conséquence déterminer la frontière maritime. En d’autres termes, la souveraineté sur les terres adjacentes doit prévaloir dans les questions de délimitation maritime​.

6. Rejet de l’argument du Gabon sur l’uti possidetis juris

Enfin, d’Argent a rejeté l’argument gabonais selon lequel le principe de l’uti possidetis juris, utilisé pour transformer des lignes administratives coloniales en frontières internationales lors des indépendances, donnerait une base solide à la position du Gabon. Selon lui, ce principe ne crée pas de titres de souveraineté mais sert uniquement à la transmission de titres préexistants, ce qui est insuffisant pour appuyer les revendications gabonaises sur la souveraineté des îles en litige​.

Dans sa défense, la Guinée équatoriale, par la voix de Pierre d’Argent, remet en cause la Convention de Bata et appelle la Cour à prendre en compte l’ensemble du droit international applicable, y compris la Convention de Montego Bay. Elle souligne que la délimitation des frontières ne doit pas reposer sur un seul document controversé, mais sur une analyse globale des titres, des conventions et des principes juridiques pertinents, tels que le principe de succession d’États et la coutume internationale.

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