Pierre Péan : « Ali Bongo ne me poursuit pas sur l’acte de naissance »
L’invité de la rédaction d’Info241 est cette semaine Pierre Péan, journaliste et écrivain Français, auteur de près d’une quarantaine d’ouvrages. Pierre Péan est celui qui, en collaboration avec Claude Angeli, a révélé l’affaire dite « des diamants de Bokassa » dans le Canard Enchaîné. Il publiera en 1983 un livre choc sur le pouvoir gabonais de l’époque qui s’intitule « Affaires Africaines ».
Mais son fait d’arme majeur est sans doute la première biographie de Jacques Foccart, « l’homme le plus puissant et mystérieux de la Ve République » et cela va sans dire des anciennes colonies françaises d’Afrique, véritable faiseur et défaiseur de rois, un livre qui lui a valu un procès qu’il a gagné. L’auteur polémiste s’explique également sur la plainte intentée contre lui en France par Ali Bongo suite à la publication le 29 octobre dernier d’un brûlot à son encontre.
Vous définissez-vous, Pierre Péan, comme un auteur à succès et à scandales ?
Pierre Péan : Absolument pas, il se trouve qu’un certain nombre de mes livres posent un problème à d’autres. Mais au moment où je les rédige, je ne les écris pas pour faire scandale. Pour ce qui concerne le succès, s’il y avait une recette pour « faire du succès en librairie », cela se saurait et il y aurait eu beaucoup de best-sellers. Donc quand je commence, ce qui m’importe en général, c’est une ou des questions que je me pose et qui m’intéresse. Et à ce moment, je tente d’y répondre sur 300 ou 400 pages.
Vous écrivez beaucoup sur l’Afrique, est-ce pour des raisons particulières ?
Pierre Péan : Si vous prenez la quarantaine de livres, vous constaterez qu’il n’y a pas tellement de livres qui traitent de l’Afrique. Quand on est au Gabon ou ailleurs, on peut penser que j’en ai plusieurs mais ce n’est pas le cas car j’en ai que 6 ou 7 sur 38 livres. Seulement 1/6 de mes livres traitent de l’Afrique tandis que la majorité traite énormément d’autres sujets tels que la France, des biographies de François Mitterrand, de Jacques Chirac…
Mes livres, ce sont mes pauses d’intérêt, et l’Afrique en est un mais ce n’est pas le seul".
Mais je m’intéresse aussi à la 2e Guerre Mondiale. Actuellement, je suis à publier mon 3e ouvrage sur Jean Moulin. Je m’intéresse beaucoup à la période de la Terreur 1793-1794. Donc mes livres, ce sont mes pauses d’intérêt, et l’Afrique en est un mais ce n’est pas le seul. Pour pouvoir répondre à la raison de cet intérêt très fort pour l’Afrique, il faudrait que je vous raconte un peu l’histoire de ma vie.
Le point de départ, c’est quand j’étais à l’université. Je me suis intéressé beaucoup à la fin de l’Empire. J’avais des amis qui étaient Africains, Algériens… Donc je me suis éveillé politiquement avec l’Affaire d’Algérie. A la suite de cela, j’ai rencontré d’abord le ministre de l’Education Nationale gabonais, puis le ministre des Finances, qui m’ont demandé si j’acceptais - et étais-je prêt à venir au Gabon - étant donné que j’avais un diplôme d’études supérieures en Sciences Economiques.
J’ai accepté à condition qu’ils m’envoient un contrat et un billet d’avion. Alors je suis arrivé fin octobre 1962, occupant la fonction d’attaché de cabinet du ministre des Finances du Gabon, François Meye à cette époque. Alors j’ai vécu au Gabon et occupant différentes fonctions comme chef de service au ministère des Affaires Etrangères. Cela m’a permis de connaître les gabonais, de les aimer. J’ai eu des amis très proches au Gabon.
Je précise que c’est là où j’ai eu ma femme. A la fin de mon séjour, j’ai du partir rapidement car Albert Bernard Bongo, ancien nom du président du Gabon, avait pris un arrêté ou un décret dans lequel, il me mettait à la porte le 26 décembre 1964. Ce qui explique mon départ précipité du Gabon. Mais pas pour je crois idéologique non conforme aux intérêts économiques et politiques... je crois que c’est ça à peu près la définition. Quelques années plus tard, quand j’étais journaliste à l’Express, lors d’une conférence de rédaction, le patron a demandé si une personne était partante pour aller au Gabon faire un article sur le Transgabonais. Alors j’ai répondu présent et voilà, je suis reparti au Gabon. Et ainsi de suite.
Même si il arrive que j’aie voulu m’éloigner du Gabon, il y a toujours quelque chose qui fait en sorte que j’y revienne. Pour reprendre l’expression de Léon MBA, « je me sens aussi un peu Gabonais d’adoption ».
En 1983, vous publiez « Affaires Africaines » et quelques années plus tard, « Nouvelles Affaires Africaines », deux ouvrages chocs sur le Gabon et ses dirigeants qui se trouvent être Omar Bongo Ondimba et Ali Bongo Ondimba. Poursuivez-vous le père et le fils Bongo dans votre vindicte, puisque qu’Omar Bongo vous avait « licencié » ?
Pierre Péan : Non, je ne poursuis pas de vindicte. Vous situez mon combat par rapport à deux hommes alors que moi je le situe par rapport au Gabon, le pays que j’aime. Et donc s’il y a des choses qui me choquent, en tant que citoyen libre, je le dit. En pensant notamment à des amis proches que j’ai eus ou que j’ai encore. Mais le point de départ des « Affaires Africaines » en 1983, n’était pas le Gabon comme c’est arrivé à la fin.
Si vous prenez la quarantaine de livres, vous constaterez qu’il n’y a pas tellement de livres qui traitent de l’Afrique... j’en ai que 6 ou 7 sur 38 livres".
J’avais pris une année sabbatique pour écrire sur l’Afrique, j’avais prévu une douzaine de chapitres pour essayer d’expliquer, en prenant différents pays, que ceux que la version que l’on vous a raconté n’était pas tout à fait correcte. En essayant de voir la vérité par rapport à ce qui était dit dans les médias, la politique et les livres.
Evidemment, j’ai commencé par le Gabon car c’était le pays que je connaissais le plus, et où je pouvais renouer des relations anciennes. Au bout d’un certain temps, j’ai demandé à mon éditeur que mon livre soit exclusivement sur les relations franco-gabonaises parce que mon livre n’aborde pas que le Gabon mais aussi franco-gabonaises. Donc j’attaque plus la France que le Gabon.
A l’époque, on n’employait pas le terme « Françafrique » mais pour moi c’était un très bon exemple de ce qui s’était passé et de ce qui se passait au moment de la décolonisation. Voici comment s’est fait le livre. Et je pouvais trouver beaucoup d’éléments, comme je le répète, grâce à mes anciennes connaissances. Petit à petit, s’est concocté le livre « Affaires Africaines ».
On a annoncé une mise en examen à ce qui convient désormais d’appeler "l’affaire de l’acte de naissance d’Ali Bongo Ondimba", actuel président de la République gabonaise. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Pierre Péan : Je peux surtout vous dire que ce n’est pas vrai. J’ai été effectivement mis en examen, qui est une chose automatique à partir du moment où on vous portez plainte. Ali Bongo Ondimba me poursuit, mais ce que je trouve assez extraordinaire, c’est qu’il ne me poursuit pas sur l’acte de naissance mais sur plein d’autres choses comme l’affaire Rabieri, sur l’affaire du directeur de cabinet d’Omar… il me poursuit sur les élections présidentielles où j’affirme qu’elles sont truquées,…mais pas sur l’affaire d’acte de naissance.
J’ai été effectivement mis en examen...il n’y a aucune ligne sur l’affaire d’acte de naissance !"
Alors qu’il avait été dit évidemment, qu’il allait m’attaquer au moment de la sortie du livre [Nouvelles affaires Africaines, ndlr] sur là-dessus. Non, il n’y a rien, il n’y a aucune ligne sur l’affaire d’acte de naissance !
Propos recueillis par Jocksy Ondo Louemba
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