Entretien

François Zimmeray, avocat de la famille Bongo : « La justice, ce n’est pas la vengeance »

François Zimmeray, avocat de la famille Bongo : « La justice, ce n’est pas la vengeance »
François Zimmeray, avocat de la famille Bongo : « La justice, ce n’est pas la vengeance » © 2024 D.R./Info241

La rédaction d’Info241 a rencontré en France l’un des avocats d’Ali Bongo, de son fils Noureddin et de sa femme Sylvia Bongo. François Zimmeray, qui dénonce des actes de torture subis notamment par Noureddin, évoque une « dépossession généralisée » de leurs biens par le nouveau pouvoir gabonais. Avant d’annoncer que ses clients « sont disposés à contribuer au bien du pays en transférant une partie importante de leur patrimoine au Trésor public ». Lecture.

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 Vous êtes l’avocat d’Ali, Sylvia et Noureddin Bongo. Avez vous des nouvelles de vos clients, 6 mois après le coup d’État qu’a connu le Gabon ?

François Zimmeray : Aussi surprenant que cela puisse paraître, je n’ai que des nouvelles indirectes, n’ayant pas été autorisé à rencontrer mes clients, en violation des règles les plus élémentaires dans un état de droit. Dans ma vie d’avocat et de diplomate, j’ai vu beaucoup de choses mais je dois dire que là, nous sommes face à une situation inédite d’autant moins justifiable que le nouveau pouvoir promettait des progrès en matière de justice, de démocratie et de droits de l’homme.

Les nouvelles que j’ai sont alarmantes, y compris pour ce qui concerne Jalil et Bilal, à qui rien n’est reproché et qui sont privés de leur liberté. Mes clients vont mal, physiquement et moralement, ce sont des êtres humains qui ont droit à leur dignité et au respect de leur intégrité.

 Deux de vos clients (Sylvia et Noureddin Bongo) sont selon les autorités gabonaises poursuivis pour plusieurs de faits. En tant qu’avocat avez vous pu faire votre métier ?

François Zimmeray : Je n’ai pas pu faire mon métier pour deux raisons, la première c’est que les avocats n’ont pas accès à leurs clients ce qui, encore une fois, est totalement illégal. La seconde, c’est qu’en réalité ils ont été incarcérés sur ordre politique en dehors de tout cadre légal.

 Vous avez déjà par voie de presse dénoncé les mauvais traitements infligés à Sylvia Bongo et à Noureddin Bongo. Vous avez même parlé de tortures infligées à Noureddin Bongo, vous maintenez vos propos ?

François Zimmeray : Oui, malheureusement. Et le Comité de prévention de la torture des Nations-Unies n’a pu que constater l’exactitude de ces faits. Nous avons saisi le haut-commissariat aux droits de l’homme des Nations unies à Genève d’une plainte. Je n’hésiterai pas à aller plus loin si cette situation injustifiable devait encore durer.

L’avocat parisien de la famille Bongo

Mes clients ne sont pas au-dessus des lois mais ils ont droit au respect de la légalité, de leur dignité et de leur intégrité physique. La justice ce n’est pas la vengeance. Je sais que beaucoup souffrent de la précarité et vivent leur condition comme une injustice, que certaines inégalités sont choquantes. Je le comprends parfaitement, mais il ne saurait être question de prétendre réparer une injustice par un crime.

 Selon plusieurs informations, vos clients se font dépouiller par les nouvelles autorités. Confirmez-vous ces informations ?

François Zimmeray : Mes clients sont prêts à tourner la page. Ils sont prêts à contribuer à l’avenir du Gabon en transférant une partie de leur patrimoine à l’Etat. Mais nous assistons à une dépossession généralisée de tous leurs biens y compris ceux qui était la propriété familiale des époux Bongo avant leur mariage. Qu’il s’agisse de patrimoine immobilier, de comptes bancaires, c’est souvent sous la contrainte que des actes ont été signés. Au profit de qui ? Il y a la villa familiale sur la plage à Pointe Denis, ou encore la maison où résidait la famille Bongo avant 2009, la villa Palmeraie, la propriété de Franceville. Je passe sur les voitures et les affaires personnelles et je répète ma question : au profit de qui ? Est-ce cela la justice ?

  Que comptez vous faire pour assurer la défense de vos clients ?

François Zimmeray : Il faut bien que les autorités comprennent qu’elles sont observées et que nous n’avons pas encore donné à cette situation toutes les suites judiciaires qu’elle appelle. J’ai les noms de ceux qui ont pratiqué ces tortures, de ceux qui les ont ordonnées, beaucoup d’informations me sont parvenues sur le pillage des biens de la famille. Je le répète, la famille Bongo n’est pas au-dessus des lois mais elle a le droit au respect de la légalité et de sa dignité.

Je répète également que la famille Bongo ne s’accroche pas au pouvoir et que dans le cadre d’une séparation, cette page de l’histoire du pays qu’il faut tourner, qui me fait penser à un divorce, ils sont disposés à aider le pays en transférant une partie significative de leur patrimoine au Trésor public. Mais ce n’est pas ce qui se passe actuellement.

 Qu’est ce que la situation de vos clients révèle du nouveau régime ?

François Zimmeray : L’histoire n’est pas définitivement écrite, il appartient au nouveau régime de choisir entre deux voies : celle d’une autorité visionnaire, éclairée, animée du souci de la justice, du bien public et soucieuse d’ancrer le pays dans la modernité ou bien au contraire, la voie de la régression sur fond de revanche personnelle. Seul l’avenir révèlera le vrai visage de ce pouvoir.

 Quel est votre mot de la fin ?

François Zimmeray : Je compte sur les autorités pour s’inspirer des grands exemples de l’histoire, qui enseignent que la transition ne peut réussir que dans la réconciliation et non dans la vengeance.

Propos receuillis par Jocksy Ondo Louemba

@info241.com
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