Dans cette analyse du citoyen et observateur Yvan Comlan Owoula, l’après coup d’état du 30 août qualifié par l’armée de « coup de libération » est longue scrutée. L’auteur évoque les grands enjeux de cette période de l’après despote Ali Bongo. Avant de s’interroger sur la durée de cette transition face aux nombreux maux laissés par l’ancien régime. Lecture.
Voici 20 jours que le Gabon vit au rythme d’une Nouvelle ère politique et le monde entier est témoin de cette marque historique dont, à en point douter, les effets vont inéluctablement créer des précédents.
Lorsque l’Armée, avec à sa tête le Général Brice OLIGUI NGUEMA, prenait le pouvoir en déposant le despote Ali BONGO ONDIMBA, elle promettait « Restauration », et 20 jours après, la « Grande muette » a clairement fait bien plus que ce à quoi nous avons eu droit, impuissants, durant 14 ans, et même au-delà ! Les annonces sont suivies d’effets immédiats, en attendant d’autres. Le changement auquel on nous avait fait croire l’impossibilité est donc bel et bien possible !
Pierre-claver AKENDENGUE, honorable combattant de la Liberté chantait pour nous : « Pour savoir où tu vas, il faut savoir d’où tu viens ». Sagesse que le Général Président de la Transition semble avoir compris et pour témoin, il érige ce qu’il y a lieu de désigner « Gabonisation » à travers la Restauration, l’inclusivité, comme son cheval de bataille, conscient de ce que le pays a souffert de graves malversations de la part de ses propres fils.
Savons-nous exactement d’où nous venons ? En avons-nous mesuré, 20 jours après, la charge inestimable de ce tournant historique de notre position dans cette Afrique confuse et diffuse, mais surtout dans ce monde qui semble prendre des allures de tout et même de contre-sens ?
Oui, les blessures sont profondes mais le pansement n’efface pas la cicatrice, à défaut d’une greffe parfaitement réalisée et il ne fait aucun doute que la longue durée d’obscurantisme dans laquelle le Gabon a été plongé depuis près de 60 ans est un booster supplémentaire pour les velléités du « TOUT » tout de suite ! Doit-on reprocher cela au Gabonais ou lui expliquer clairement les choses ?
« Dieu merci », peut-on s’exclamer, le Président de la Transition gabonaise est un Militaire que la gestion du pays, pendant toutes ces années proche du pouvoir, n’a bien heureusement pas réussi à « dégaboniser » . Il n’est donc pas dupe. Accompagnons-le et cessons de vouloir une chose et son contraire !
Des nominations au gouvernement de transition
Le très plébiscité Raymond NDONG SIMA, choisit en qualité de Premier Ministre de la Transition pour les qualités que les « Gabonais normaux » lui connaissent, conduit depuis moins d’une semaine cette barque à problèmes avec et met à ses côtés des individus dont certains peuvent ne pas trouver chez le Peuple gabonais, l’expression d’un sentiment autre que le rejet car les raisons, du moins pour certaines, sont connues ! D’ailleurs à ce sujet, deux sagesses africaines voudraient que « Malgré le temps du caïman dans le marigot, il deviendra jamais un tronc d’arbre » lorsque de la seconde on retient que « la durée de la nuit ne fait pas oublier le rêve ».
« A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles » dit-on ! Les « Gabonais normaux » ont-ils pris le temps de comprendre les choix stratégiques (on l’espère) de Raymond NDONG SIMA dont on sait qu’il n’aurait jamais compromis sa droiture ? Toutefois, le vin est tiré, il faut le boire et espérer faire mieux, si tant il est vrai qu’il y a des ratés, dans le Parlement de Transition ! pour l’heure, il s’agit d’un gouvernement dont la tâche est certes ardue, mais qui, au regard du code de conduite édicté par le CTRI, ne pourra pas, mieux ne devrait pas, au terme de cette période de transition, nous présenter un bilan nul ! C’est donc le lieu de féliciter vivement ce corpus de personnalités, qui, au prix de bien de sacrifices, a choisit d’écrire le préambule de l’Histoire politique de la Nouvelle République du Gabon. Ils ont du pain sur la planche car le Gabon est un Pays à Refaire (PAR) ! Cependant, la raison voudrait qu’on exprime des réserves quant à la qualité, mais surtout la pertinence de certaines nominations dans cette période exceptionnelle car il y a comme un goût de déjà-vu qui gêne.
De la durée de la Transition
Dans une récente interview, Raymond NDONG SIMA exprimait qu’une période de 2 ans serait convenable pour la Restauration souhaitée. Cette question demeure à ce jour, non pas une énigme, mais un joker dont nous devons tous saisir la pleine importance. Qu’on nous en donne donc l’opportunité !
Selon les « grands spécialistes » du droit et de la communauté internationale, 2 ans seraient la période « normale ». Mais pour quoi exactement ? 24 mois peuvent-ils vraiment gommer les tares profondément enracinées de 54 ans ? « Les mauvaises habitudes ont la peau dure », dit-on ! Pourquoi faudrait-il courir dans un contexte de « coup d’Etat » aussi particulier et dont les marges témoignent clairement d’une véritable cohésion entre l’Armée et le Peuple ? Il est bien vrai que le goût du pouvoir sait corrompre, mais tel qu’on le disais déjà dans une récente argumentation, « « Au cœur de la forêt », puissions-nous tous sortir de la « Zoopolitique » , le Gabon en a besoin ».
La restauration doit s’opérer à un niveau multidimensionnel car la libération doit-être totale. Là est la charge de la Transition et la réussite d’une tache aussi herculéenne est tributaire d’une durée adéquate. Mais qui peut prétendre le savoir à seulement 20 jours ? Que le Peuple accompagne ses vaillants soldats dans la « gabonisation » (« Gabon d’abord » tant cher au feu Président, père de l’indépendance, Léon MBA) de la gestion du nouvel Etat naissant. Par ailleurs, est-il plus que judicieux d’adjoindre à cette « Restauration étatique », la « Restitution des droits, du patriotisme » perdus du Peuple gabonais car cela est garant de la Paix tant proclamée afin de capitaliser les efforts nécessaires de sorte à ne pas faire s’éterniser la Transition.
Des chantiers en question
La situation du pays est chaotique et c’est peu de le dire car tout est à refaire. Le panier de la ménagère est davantage dangereusement cher et se nourrir décemment est presqu’un luxe. Le prix du pain a été augmenté comme une lettre passe à la poste tandis que la même situation avait conduit au renversement du dernier Président soudanais. Les écoles deviennent l’ombre d’elles-mêmes avec des effectifs pléthoriques et parfois un manque criard de table-bancs dans un pays couvert à 80% de forêt, l’Université Omar Bongo meurt et l’Etudiant gabonais peine à avoir sa bourse.
L’hôpital et la route sont aussi piteux que les mensonges qui nous ont été servis 14 ans durant. Il n’y a d’eau courante quasiment nulle part et l’on a assisté, impuissants, au décès de patients pour cause d’absence d’eau ou d’électricité dans un pays que le monde présente comme « l’Emirat d’Afrique ». Des femmes accouchent dans la cour de l’hôpital et des gens sont hospitalisés à même le sol, avec tous les risques que cela comporte. Le comportement des uns et les autres dans le service publique est déplorable et méprisant, aucune éthique, aucune déontologie, la corruption et détournements sont à tous les niveaux, les pensions de retraités ne sont pas assurées, la marchandisation des postes budgétaires est faites à ciel ouvert, les situations administratives des travailleurs, le racket des agents de forces de l’ordre, le foncier, la délinquance et le crime grandissant, la prolifération des pseudos églises avec des gourous, la régulation du taux d’étrangers et leur conformité avec les lois gabonaises, le logement, la patrimonialisation des administrations et institutions, l’absence d’Etat de droit, de bonne gouvernance, le chômage, la clochardisation et l’esclavage moderne des jeunes, l’absence de stages rémunérés et la rareté des stages simples, la fuite des capitaux, l’hyper représentativité des expatriés dans les secteurs économiques, la porosité de nos frontières, les blessures du passé… Il ne faut aucun doute que la liste est longue et les efforts qu’elle inspire sont colossaux. Par quoi débuté ?
Au regard de ce tableau, il est évident que le CTRI ne pourrait trouver solution à « TOUT » tout de suite car sa durée n’en serait qu’impacter et on ose espérer qu’il le sait, raison pour laquelle la Transition se veut inclusive et devrait surtout servir à poser des bases solides pour les Institutions fortes tant espérées.
A la Communauté Internationale
Doit-on, dans le contexte actuel, recevoir des leçons de cette Communauté internationale qui n’a passé son temps qu’à prendre acte de la forfaiture et des crimes qui jonchent aujourd’hui l’Histoire politique du Gabon ? Que font-ils de la situation au Tchad depuis 2 ans ? De qui devons-nous attendre notre salut alors que la marche de l’Histoire politique de l’Afrique nous avait déjà condamnés à la raillerie ? Le Peuple gabonais, loin d’être idiot aujourd’hui, a décidé de suivre une autre trajectoire et veut s’en donner les moyens.
Le « Gabonais normal » n’oublie pas que vous étiez nombreux à chantiez louanges et gloires au rythme du « Oyé oyé !!! » à Ali BONGO ONDIMBA. Vous, Communauté internationale, lui disiez « oui » lorsqu’il lui fallait savoir le contraire. Vous nous avez fait douter du bon sens des droits de l’homme, de la bonne gouvernance etc.
Ce coup d’Etat, bien que militaire, n’est pas pour l’Armée car elle-même est garante du peuple. Les bénéfices de cette nouvelle page de l’Histoire du Gabon doivent porter les couleurs de la « Nation », c’est un fait !
Le gabonais aimerait bien sortir du désormais sempiternel « on va encore fait comment ? ». Daignez accompagner le Gabon dans ce changement historique !
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