Après matchs

La débâcle des Panthères du Gabon à la CAN 2015 passée au crible

La débâcle des Panthères du Gabon à la CAN 2015 passée au crible
La débâcle des Panthères du Gabon à la CAN 2015 passée au crible © 2015 D.R./Info241

Suite à l’élimination du Gabon au premier tour de la Coupe d’Afrique des nations 2015 en Guinée Équatoriale, Info241 a tendu son micro à M. Axel Nguema Edou, doctorant en sciences du sport à l’Université de Strasbourg (France). Le sociologue des sciences du sport évalue dans sa thèse, les politiques sportives gabonaises au laboratoire de sport et sciences sociales. Le doctorant procède à une analyse profonde de la sortie déplorable des Panthères du Gabon hier de la CAN 2015.

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L’ossature d’une équipe prometteuse pour un résultat nul depuis 2012

« Alors qu’elle était la formation la mieux nantie en terme de joueurs évoluant en Europe, avec une qualification « facile », devant les vice-champions d’Afrique (Burkina Faso), en poule, l’équipe gabonaise peut être considérée comme celle qui a le mieux préparée cette compétition après avoir été absente en 2013 », souligne d’entrée de jeu M. Nguema Edou.

Poursuivant son analyse, le sociologue des sciences du sport s’interroge comme l’ensemble des Gabonais déçus : « suffit-il de gagner le premier match d’une poule (2-0) pour annoncer les couleurs d’une qualification facile ? Beaucoup ont considéré le match contre les Étalons du Burkina Faso comme une référence à la forme technique et physique des Panthères. Il faut néanmoins noter que ce premier match a été, dans un contexte géographique favorable au Gabon. Et donc a été le plus facile. Par conséquent, les deux derniers matchs (Congo et Guinée Equatoriale) allaient être les plus difficiles. Les dirigeants des panthères ont-ils pris conscience de ce contexte ? »

En faisant un examen rétrospectif dans un premier temps du parcours des Panthères, M. Nguema Edou souligne ceci : « le match des Panthères face aux Diables Rouges du Congo, c’est sans doute le match qu’il ne fallait pas perdre. Le gagner permettait aux Panthères de mieux affronter le pays organisateur ("sauveur" de la CAN 2015). Mais on a retrouvé des Panthères qui n’avaient pas pris conscience qu’ils jouaient contre l’ancienne capitale de l’Afrique Equatoriale Française (AEF). »

« Les Panthères (dirigeants et sportifs) connaissent-t-ils l’histoire politique de l’AEF ? Savent-ils que le Haut-Ogooué a longtemps basculé entre le Moyen-Congo et le Gabon ? Que dit-on à un sélectionneur étranger lorsqu’il prend les commandes de la sélection gabonaise ? », s’interroge le chercheur en sciences du sport.

En effet, explique-t-il, « le match face au Congo-Brazzaville a été joué avec une ‘’dé-contextualisation’’ du contexte historique et politique qui lie les deux pays. Nous ne nous attardons pas ici aux problèmes techniques ou tactiques. Notre analyse se focalise sur les enjeux multidimensionnels qui entourent de telles rencontres. En effet, le fait de ne pas replacer un match dans son contexte d’importance fait en sorte que les acteurs sportifs n’aient pas l’engagement nécessaire pour se surpasser ». Qu’en est-il du recrutement des joueurs censés défendre une équipe nationale dans un contexte où le championnat national est en berne ?

Le recrutement des joueurs gabonais évoluant et vivant à l’étranger en question

Pour M. Nguema Edou, « les joueurs dits ‘’cadres’’ sont issus du recrutement politico-sportif gabonais. En effet, il faut noter que depuis la première sélection de Daniel Cousin et son frère, au début des années 2000, le Gabon s’est lancé dans une naturalisation systématique des footballeurs qui ont poursuivis toute leur vie en France et en Occident. Sans qu’un travail d’appropriation des bases patriotiques, historiques et culturelles à ses divers joueurs, ne soit mis en exergue chez ceux bénéficiant de la double nationalité ».

Selon le doctorant gabonais, « La Fédération Gabonaise de Football sous la haute autorité de la Présidence de la République Gabonaise, s’est découverte comme stratégies de recherches de talents, et ce, depuis quelques années, une quête de footballeur « métisse » évoluant en Europe. Comme si cela était un gage pour remporter une compétition continentale comme la CAN. Tous les férus du ballon rond se souviennent encore, des feuilletons Bulot et Lémina ».

Pour le premier, relève M. Nguema Edou, « cela s’est malheureusement fait à l’instar d’une négociation d’un contrat professionnel entre le joueur et la Nation Gabonaise. La fédération s’est quasiment dévaluée devant le sportif gabonais. Or, nous pensons comme plusieurs examinateurs des équipes nationales, que l’appel à défendre les couleurs d’une équipe nationale est unique. Et s’impose à tous les sportifs qui se revendiquent des valeurs républicaines nationales. Les dirigeants sportifs gabonais ne doivent pas négocier en suppliant la participation d’un sportif peu importe son niveau ou ses performances au sein des championnats étrangers. »

« Les congolais, sans un fond de jeu spécifique sont venus à bout des Panthères sans doute par leur envie. Après avoir marqué un but contre le cours du jeu, ils ont défendu en ayant à l’esprit que cela faisait près de quarante-un ans qu’ils n’avaient plus gagné en phase finale de la CAN.

En dehors de quelques joueurs blessés dans leur amour propre, poursuit-t-il, « l’ensemble des joueurs dits ‘’métisses’’ n’ont pas pris les choses en main pour stimuler l’équipe entière vers un combat collectif pour un sursaut d’orgueil. Sans doute, ils n’avaient pas la connaissance pour trouver les mots justes. Face à cette défaite, le Gabon se retrait dans une situation doublement compliquée. Jouer le dernier match face aux Nzalang ne rendait pas la qualification facile. Surtout que celle-ci était en quête d’une victoire qui lui permettrait de se qualifier également. C’est donc ici le deuxième acte qui peut laisser lire un plausible manque de ‘’professionnalisme’’ des dirigeants gabonais. »

L’état d’esprit d’une euphorie empressée des Panthères à l’image des dirigeants gabonais

Procédant à l’analyse de l’avant-match capital, M. Nguema Edou prend comme illustration, la vidéo postée sur les réseaux sociaux par plusieurs comptes relais de la FEGAFOOT et même ceux du palais du bord de mer. Celle-ci montre les footballeurs gabonais célébrant, chantant, dansant sans inquiétude dans le bus avant ce match capital. Comme s’ils vendaient la peau de l’ours Nzalang avant de l’avoir tué. Ceci dénote à suffisance dans quel état d’esprit les Panthères ont abordé ce match décisif.

Sur le plan de la communication présidentielle, analyse un communicant public gabonais, « on a pu relever également cette mise en scène cocasse et qui ressemble fortement à une forme de tentative d’instrumentalisation et de récupération par le Chef de l’Etat gabonais, Ali Bongo Ondimba. On l’a vu à travers une vidéo fortement relayée sur les réseaux sociaux accompagné du porte-parole de la Présidence, le troubadour Alain Claude Billie Bi Nzé, au quartier désenclavé de Nzeng-Ayong après la victoire inaugurale contre le Burkina Faso ».

« Les gabonais ont curieusement pu observer plusieurs images circulant sur Facbook, Ali Bongo se fendant d’être le premier supporter de notre équipe nationale, fièrement vêtu des couleurs des Panthères devenues chatons, célébrant quelles prouesses ? » s’interroge le communicant public. Plusieurs observateurs, explique-t-il « n’ont pas compris que l’équipe nationale soit reçue non pas, par le Ministre de tutelle avant le départ pour la CAN. Mais, par le Président de la République en personne même si, c’est connu qu’il soit un invertébré de football. Cette incongruité dans la communication présidentielle a été très en vue durant ce début de la CAN en Guinée Equatoriale. Raison gardée, les équipes sportives ou athlètes sont reçus sous d’autres cieux par la plus haute institution de la République lorsqu’ils ont effectué des prestations honorifiques durant des compétitions continentales ou internationales. »

En effet, s’étonne le communicant, « la Présidence de la République est dans son agenda social et politique, confrontée à des grèves à répétitions qui paralysent plusieurs secteurs de l’administration publique au Gabon. Le palais du Bord de mer qui pourtant fait face à une crise sociale et politique, a consacré comme priorité et enjeu primaire le chantier de la CAN durant deux semaines. Or, tout comme plusieurs pays présents à cette compétition très regardée de part sa médiatisation internationale, les téléspectateurs n’ont pas constaté cette même ferveur grotesque avec d’autres dirigeants politiques. Ni une présence accrue des divers Chefs d’Etats des pays en lice dont certains comme la Congo font des performances historiques et admirables. La présence et l’agitation médiatique de la Présidence de la République gabonaise a paru donc précipitée et versant dans l’euphorie disproportionnée ».

Tout comme le match contre le Congo, argumente à son tour le doctorant des sciences du sport, « les Panthères ont été au-dessus de la mêlée lorsqu’on regarde la physionomie du match. Mais comme ils pensent qu’ils sont ‘’apolitiques’’, ils se sont dé-contextualisés des réalités socio-politiques qui entourent un match contre le Congo. D’abord, la Guinée équatoriale qui a récupéré l’organisation de la CAN après le refus du Maroc (à cause de l’épidémie Ebola), ne pouvait se laisser éliminer au premier tour. De plus, nous parlons de la Guinée Equatoriale, pays en plein essor d’un développement réel sur le plan sous régional et continental. »

Par ailleurs, relève M. Nguema Edou, « la CAN 2015 est pour la Guinée Equatoriale une scène qui lui permet de démontrer son rayonnement économique. Et par la même l’occasion de se légitimer auprès des instances internationales. Elle prend sa revanche sur l’histoire tout au long de ces périodes pré-pétrolières. C’est le moment propice pour les Equato-Guinéens de démontrer leurs avancées structurelles sportives et d’ainsi réaffirmer qu’ils sont en passe de laisser le Gabon sur le carreau des slogans creux comme l’émergence imaginaire ».

Pour le sociologue gabonais, « Les Panthères étaient donc face à une réalité socio-politique. Mais combien de joueurs avaient la psychologie et la connaissance de ses facteurs politico-historiques, voire sociaux pour affronter ce contexte ? »
Si nous faisons un bilan des prestations personnelles des Panthères du Gabon, déclare-t-il « Didier Ovono est sans doute celui qui a reçu le plus de point positif. Les joueurs dits métisses sont ceux qui se tirent avec les notes les plus médiocres. On pouvait clairement comprendre leur attitude à la fin de la rencontre, aucune larme de tristesse. Nous pensons qu’ils n’ont pas compris l’affront national qu’ils venaient de causer à l’ensemble des Gabonais. Dans une rencontre où le Gabon n’avait besoin que d’un match nul pour se qualifier, nos ambassadeurs se retrouvent éliminés lamentablement. Et de quelle manière, par une défaite honteuse (2-0). »

Pour conclure, le sociologue des sciences du sport, explique que : « beaucoup de Gabonais ont fait une projection avec la situation socio-politique du pays actuellement. Il est donc possible de compléter que la situation politique d’un pays peut avoir des répercussions sur les résultats sportifs de la Nation. On se souvient bien de 2009, alors que le Gabon était en tête de sa poule dans les qualifications pour le mondial 2010 en Afrique du Sud, certains hommes politiques ont voulu s’approprier l’équipe nationale et faire disparaître les contestations post-électorales de cette période. Le résultat est que nous avons perdu deux matchs fondamentaux contre le Cameroun. »

Depuis 2012, la même malédiction prolifère sur notre équipe nationale. Le même scénario se présente toujours. Les Panthères jouent un bon football sur le papier, mais on se fait toujours sortir de la compétition par la petite porte. Et les quelques bonnes références de notre équipe nationale ont été enregistrées avec un coach sélectionneur de nationalité gabonaise qui a fait ses preuves au sein du championnat national. En l’occurrence le très respectable Alain Da Costa Soares. Et durant ces périodes glorieuses, la qualité de notre championnat national fût de bonne prestance.

Comme quoi, le sport n’est pas strictement apolitique. D’où il faut à tout prix repenser toutes les politiques sportives gabonaises. Pour le secteur du football, il est de rigueur de professionnaliser réellement notre championnat national. Que les dirigeants de la Fédération Gabonaise de football (FE.GA.FOOT) revisitent scrupuleusement leurs stratégies de recrutement de nos équipes nationales. Le football gabonais souffrant d’une pathologie qui semble révélatrice d’un manque réel de patriotisme.

Que chacun prenne ses responsabilités. Mais nous ne pouvons demeurer sur une telle amertume qui froisse tant notre dignité et la fierté nationales. Nous devons procéder à toutes ces réformes de politiques publiques sportives afin de défendre et de redorer le blason gabonais. En hissant très haut, notre Vert Jaune et Bleu avec hardiesse, talent et dextérité. Car les talents et le savoir-faire nous le possédons. Il faut moins idéologiser politiquement nos milieux sportifs, l’exemple du football étant patent de cette gangrène. Et laissez les techniciens libres de faire leur travail en professionnels. Comme l’exigeait l’ancien sélectionneur des Panthères du Gabon, le très honorable français Alain Giresse.

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