Franck Emmanuel Issozé Ngondet, de la diplomatie à Premier ministre du Gabon
Dans un monde enclin aux conflits d’intérêts entre Etats et entre idéologies, l’arme diplomatique est souvent la plus répandue pour trouver des voies de sortie de crise. Dans les sociétés africaines anciennes, la diplomatie était déjà de mise entre peuples ou entre tribus pour pacifier les relations au moyen d’échanges et de moyens de communication comme les pourparlers ou l’offre de cadeaux somptueux. Au début des explorations européennes, cette pratique fut privilégiée pour établir le rapprochement entre indigènes et colons.
Après les indépendances, la diplomatie fut l’option choisie pour les nouvelles républiques africaines pour rallier le concert des nations. Ces pays formèrent alors plusieurs professionnels diplomatiques pour délimiter des zones d’amitié avec les puissances occidentales dans le but de traiter d’égal à égal. Des représentations virent le jour et installèrent une forme de proximité inter-état afin de trouver plus rapidement des résolutions aux difficultés multiples et variées et aux discordes de tout ordre.
Emmanuel Issozé Ngondet (1961-2020) fut un amoureux de la diplomatie car comme tout diplomate, la négociation à l’intérieur du gigantesque village planétaire qu’est la terre permet de résorber moult problèmes. Mais comme beaucoup d’amoureux des échanges internationaux, notre protagoniste ne su éviter le piège de la gestion de la chose publique car en optant pour une carrière politique, les armes qu’il maîtrisait le plus ne purent lui servir, du moins pas dans l’âpre combat politique contre ses adversaires et certains de ses alliés.
Venue au monde
Emmanuel Issozé Ngondet est né le 2 avril 1961 au Gabon dans la ville de Makokou, capitale provinciale de la circonscription territoriale de l’Ogooué-Ivindo.
Parcours scolaire
Emmanuel Issozé Ngondet a sans encombre obtenu son Certificat d’études primaires (CEP) ainsi que son baccalauréat. Passionné de voyages et de la découverte, Emmanuel Issozé Ngondet décide alors d’embrasser une carrière diplomatique. Pour ce faire, il passe le concours de l’Ecole nationale d’administration de Libreville (ENA) et en sort diplômé. Emmanuel Issozé Ngondet obtiendra une maîtrise en droit public et en science politique.
Carrière diplomatique
Entre 1989 et 1991, Ali Bongo est ministre des Affaires étrangères de la République gabonaise. Emmanuel Issozé Ngondet est alors nommé au sein du cabinet ministériel d’Ali pour en être un de ses conseillers. Mais il est envoyé à l’étranger pour mettre en exergue ses compétences de diplomate. Il est alors envoyé dans des différentes ambassades du Gabon dans lesquelles il occupe différentes fonctions. Il officie d’abord en Afrique notamment au Cameroun. Puis, il travaillera dans d’autres représentations diplomatiques du Gabon installées en Grande-Bretagne précisément dans la ville de Londres, au Canada et enfin en Allemagne.
A la suite de ces nombreuses expériences, Emmanuel Issozé Ngondet est nommé ambassadeur plénipotentiaire de la République de Corée du Sud. Il sera ensuite ambassadeur du Gabon auprès de l’Union africaine dont le siège est basé dans la ville de Addis-Abeba. Il sera promu quelque temps plus tard ambassadeur du Gabon auprès des Nations-Unies, poste qu’il occupera jusqu’en 2011. Tout au long de son périple diplomatique à travers le monde, Emmanuel Issozé Ngondet était connu comme un homme mesuré et fin négociateur. Il était apprécié par sa connaissance remarquée des dossiers dont il avait la charge et par son amour pour la culture et la lecture. Son sérieux et son amour du mérite n’ont de cesse précédée sa renommée.
Carrière administrative et politique
Emmanuel Issozé Ngondet débute sa carrière politique au ministère des affaires étrangères au sein du ministère des affaires étrangères lorsque Ali Bongo Ondimba en avait la charge, c’est-à-dire entre 1989 et 1991. Il fut l’un des conseillers du ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie entre 1999 et 2008, un certain Jean Ping. C’est dans ledit ministère qu’il aiguisa ses talents de diplomate. En janvier 2009, Emmanuel Issozé Ngondet intègre pour la première fois le gouvernement en qualité de ministre de l’énergie, des ressources hydrauliques et des nouvelles énergies.
Il n’y reste pas longtemps et est envoyé à New-York au sein des Nations-Unies en tant qu’ambassadeur pour le compte du Gabon. Deux ans plus tard, il regagne le Gabon, lui qui est depuis quelques années un fervent acteur du puissant Parti démocratique gabonais (PDG), formation politique au politique au pouvoir depuis 1967. Son retour au pays est orchestré par Ali Bongo lui-même qui veut en faire un homme de confiance.
En effet, après la mort de son père, Omar Bongo Ondimba, Ali Bongo Ondimba se présente à la présidentielle de 2009 et la remporte. L’opposition crie à la fraude et aux massacres des populations perpétrées notamment à Port-Gentil, capitale économique du pays ; André Mba Obame, ancien bras armé du régime, fait partie des principaux challengers du nouvel homme fort Ali du PDG. Les tensions sont vives mais Emmanuel Issozé Ngondet, ambassadeur du Gabon à l’ONU, défend avec la dernière énergie l’élection d’Ali Bongo.
Il faut tout de même signifier que Emmanuel Issozé Ngondet joua un rôle prépondérant durant l’élection à la magistrature suprême de 2009 car n’était-il pas le directeur de campagne du candidat Ali dans sa province natale de l’Ogooué-Ivindo ? quoi qu’il en soit, notre diplomate soutint la thèse selon laquelle une campagne de dénigration était menée contre Ali Bongo et les accusations dont il était victime.
Au courant du mois de janvier 2011, Emmanuel Issozé Ngondet regagne le Gabon et est directement promu ministre. Il bénéficie du portefeuille ministériel des relations avec le Parlement et les institutions constitutionnelles. Puis, il est promu au ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique, chargé de la réforme de l’Etat. Ensuite, il devient inéluctablement ministre des affaires étrangères, de la coopération internationale, de la francophonie et de l’intégration régionale.
Après l’élection présidentielle de 2016, Ali Bongo est réélu dans des conditions douteuses. La contestation est plus virulente que celle de 2009 et l’assaut du quartier général de son principal adversaire, Jean Ping, lui est directement attribué. Après avoir été à nouveau investi président de la République gabonaise, Ali Bongo nomme le 28 septembre 2016 Emmanuel Issozé Ngondet à la prestigieuse fonction de premier ministre, chef du gouvernement. Il devint ainsi le premier ministre issu de la province de l’Ogooué-Ivindo.
A la primature
Emmanuel Issozé Ngondet prend ses fonctions de premier ministre le 29 septembre 2016. Le 2 octobre de la même année, il nomme son gouvernement. Près de deux ans après sa nomination au sein de la primature gabonaise, Emmanuel Issozé Ngondet est débouté de son poste de premier ministre par la Cour Constitutionnelle le 30 avril 2018 car il ne parvient pas à organiser les élections législatives censées se tenir depuis 2016 mais qui à la suite des contestations nées de la présidentielle d’août 2016 n’avaient plus eu lieu, ajournées à de nombreuses reprises. La cour Constitutionnelle décide aussi de dissoudre l’assemblée nationale et de transmettre le pouvoir législatif au Sénat jusqu’aux législatives. Par ailleurs, la Cour Constitutionnelle rétablit Emmanuel Issozé Ngondet le 3 mai 2018 comme premier ministre et le charge de former une nouvelle équipe gouvernementale dans le but d’organiser les élections législatives avant 2019.
Finalement les élections législatives se tiennent du 6 au 27 octobre 2018. Emmanuel Issozé Ngondet réussit ainsi son pari. Mais le président Ali voulu est victime d’un terrible accident vasculaire cérébral (AVC) en Octobre 2018 alors qu’il assistait à un sommet en Arabie Saoudite. Emmanuel Issozé Ngondet doit alors gérer une crise politique d’une envergure considérable car les nouvelles vont bon train : certaines annoncent même le décès du président Ali Bongo.
Accompagné de la présidente de la Cour Constitutionnelle, Marie-Madeleine Mbourantsouo et du vice-président de l’époque, Pierre-Claver Maganga Moussavou, Emmanuel Issozé Ngondet & Co sont les premiers à rendre visite au président Ali Bongo alors qu’il est en phase de rétablissement au Royaume du Maroc. Une réponse de la part des autorités afin de mettre un terme aux rumeurs qui vont bon train notamment celles annonçant la disparition du président. Comme toujours, le soldat Issozé se montre loyal à celui qui l’a engagé.
Suite à des inimitiés avec le directeur de cabinet du président Ali Bongo, Brice Laccruche Alihanga, Emmanuel Issoze Ngondet est démis de ses fonctions. Il faut dire que depuis que le président était absent du pays, son directeur de cabinet devint importantissime dans la sphère décisionnelle. Beaucoup d’observateurs et des acteurs de la vie politique gabonaise étaient unanimes pour dire que cette éjection de Emmanuel Issoze Ngondet avait été orchestrée par Brice Laccruche Alihanga. Il est alors choisi pour occuper le poste de médiateur de la république, il balaie d’un revers de la main cette proposition et préfère occuper sa fonction de député du 1er arrondissement de la commune de Makokou. En effet, il était député de cette circonscription depuis 2011.
Disparition
Franck Emmanuel Issoze Ngondet présente ses dernières lettres de créance à la vie dans la ville de Libreville le 11 juin 2020 à l’âge de 59 ans des suites d’une crise d’asthme. Il avait été admis dans une structure sanitaire privée de la capitale le 21 mai 2020 en raison d’une crise de la même affection médicale avant d’être placé en soins intensifs dans la nuit du 10 au 11 juin 2020. Des cancans avaient été véhiculés sur la toile faisant état de son décès lié à une contamination à la Covid-19 ; d’autres affirmaient que l’ancien premier ministre avait été lui aussi victime d’un AVC.
Des informations qu’un de ses proches en l’occurrence Guy Mamiaka, ancien ministre des affaires sociales, avait tenu à démentir via sa page Facebook. Bien que l’homme fût moqué de nombreuses fois par plusieurs de ses concitoyens à cause de son surpoids et d’une anecdote insolite faisant état de d’un amour invétéré de sa communauté ethnique pour un assaisonnement du nom de « Arôme Maggi », ce qui lui valut même d’en être l’éponyme, la mort de Emmanuel Issoze Ngondet attrista un bon nombre de gabonais et de personnalités publiques de divers horizons.
Au moment de sa disparition le ministre des affaires étrangères de l’époque, Alain-Claude Bilié-By-Nzé, salua en ces mots la mémoire du défunt via sa page Twitter « Tristesse immense d’apprendre le départ sans retour de notre aîné […] Un homme d’Etat au sens élevé du Sacerdoce pour la République ». Le président Ali Bongo avait lui aussi via le même réseau social témoigné de l’immensité de la perte de sieur Issozé Ngondet « C’est une perte immense pour notre pays. Je garde à l’esprit le souvenir d’un ami fidèle et loyal. Puisse-t-il reposer en paix ».
Bruno Ben Moubamba, opposant gabonais, avait tenu a salué sa mémoire de celui qu’il considérait bien entendu comme « un adversaire mais avant tout un grand serviteur de l’Etat en des temps difficiles ». L’ex premier ministre tchadien et actuel président de la commission de l’Union africaine (UA) lui aussi par le biais de Twitter « Suite au décès de mon collègue et ami Emmanuel Issoze Ngondet, ancien premier ministre du Gabon, j’adresse mes sincères condoléances à sa famille, au président Ali Bongo et au peuple gabonais. Paix à son âme ».
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