La famille Bongo célèbre aujourd’hui ses 54 années de longévité à la tête du Gabon
Aujourd’hui, 2 décembre, est un jour anniversaire pour la famille Bongo. Elle cumule plus d’un demi-siècle à la tête du pays, 54 ans exactement. D’abord avec Omar Bongo durant 42 ans, depuis 1967, succédé ensuite par son fils Ali en 2009 et toujours en poste, malgré un passage à vide pendant plusieurs mois, pour des raisons de santé. Dans la famille Bongo, il y a eu le patriarche, Omar, le fils, Ali et la fille, Pascaline qui fut directrice du cabinet de son père Omar. Retour sur une hégémonie familiale demi-centenaire.
Dès son arrivée au pouvoir en 1967, Omar Bongo impose le Parti démocratique gabonais (PDG), sa propre formation politique créée le 12 mars 1968, comme parti unique et dirige d’une main de fer, profitant notamment de la manne pétrolière de son pays. En 1973, converti à l’islam, Albert-Bernard Bongo devient El Hadj Omar Bongo, auquel il ajoutera Ondimba, le nom de son père, en 2003. De janvier à avril 1990, de graves troubles sociaux tournent à l’émeute. La mort suspecte de l’opposant politique, Joseph Redjembe, déclenche des émeutes à Libreville et Port Gentil.
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« La situation est calme. A Port Gentil, il y a eu beaucoup plus de panique qu’à Libreville [...] Les gens qui demandent mon départ, eh bien ma foi, nous avons eu une conférence nationale au cours de laquelle il a été clairement établi que le président avait un mandat du peuple », avait déclaré le président Omar Bongo à la télévision nationale. Le 5 décembre 1993 a lieu la première présidentielle pluraliste. Omar Bongo est réélu face au père Paul Mba Abessole, du Rassemblement national des bûcherons (RNB).
Contestation
Le 9 décembre, la réélection d’Omar Bongo au premier tour avec 51,07% des voix est contestée. Le père Mba Abessole se proclame vainqueur des élections et nomme un Premier ministre. Des violences éclatent, un couvre-feu est instauré. Le 13 décembre, la Cour constitutionnelle valide l’élection d’Omar Bongo. Le 7 octobre 1994, les « Accords de Paris » sont signés entre la majorité présidentielle et l’opposition, qui mettent fin aux blocages politiques et économiques du pays, créés par la contestation des résultats de la présidentielle.
Le président Omar Bongo organise la révision de la constitution le 18 avril 1997 qui instaure un poste de vice-président et l’extension du mandat du président de 5 à 7 ans. Ce changement l’autorise ainsi à briguer encore deux mandats. Omar Bongo est réélu à une majorité écrasante (79,18%) le 27 novembre 2005 mais l’opposition conteste cette victoire. Malgré les contestations, Bongo est soutenu par la France pour son rôle joué dans la "Françafrique".
« Omar Bongo dont la vie politique se confondait avec celle de la Ve République en France, avait transformé le Gabon en eldorado pétrolier sous la houlette de la société pétrolière française Elf », a relevé Jean-Valentin Leyama, ancien directeur de cabinet du président Ali Bongo, devenu opposant. « Le Gabon sans la France, c’est une voiture sans chauffeur, la France sans le Gabon, c’est une voiture sans carburant », écrivait dans les années 80 Omar Bongo, commentant sa gloire et de sa puissance.
L’affaire Elf
Soutenu par son ami, Jacques Chirac, Omar Bongo affronte en 2001, une tempête politico-diplomatique avec le grand déballage de « l’affaire Elf ». Les tensions entre Paris et Libreville persistent. Omar Bongo assiste, dépité, à l’affadissement des relations franco-gabonaises. Le président Bongo devient la cible de plusieurs ONG qui critiquent sa gestion. Pire, son patrimoine immobilier à Paris fait l’objet de procédures judiciaires.
Le 6 mars 2008, la tension monte entre la France et le Gabon après la diffusion par France 2 d’un reportage sur la fortune du Président Bongo en France. Le 12 mars 2008, l’Assemblée nationale et le Sénat gabonais se réunissent en Congrès exceptionnel pour dénoncer la campagne de dénigrement en cours en France contre le Président Bongo et appellent à réexaminer en profondeur les accords de coopération avec l’Hexagone. A Libreville, on invoque une vaste campagne de déstabilisation orchestrée à Paris contre le Gabon et ses plus hautes autorités.
Un deuil et des soucis de santé
Alors que Bongo et en froid avec la France, Edith-Lucie Bongo Ondimba décède le 14 mars 2009 à l’âge de 45 ans des suites d’une longue maladie à Rabat au Maroc, où elle était hospitalisée depuis plusieurs semaines. Un mois après, le président gabonais décide la « suspension momentanée de ses activités », pour se reposer et faire le deuil de son épouse, Edith Lucie, dont le décès l’a « profondément marqué », selon un communiqué lu à la télévision publique RTG1.
Le Président avait vraisemblablement éprouvé un choc le 23 mars 2009 à l’inhumation de son épouse Edith Lucie, décédée quelques jours plus tôt à Rabat au Maroc. La santé du Président Omar Bongo allant de mal en pis, la décision est prise à Libreville de l’évacuer vers un centre spécialisé dans le traitement du cancer en France. Mais quand l’avion médicalisé décolle de Libreville le 6 mai 2009, il met le cap vers Barcelone en Espagne.
Les nouvelles n’étaient pas bonnes. L’état du Président Bongo s’aggravait. Les Gabonais craignaient le pire. La rumeur du décès de Bongo enflait, envahissant la capitale Libreville. Le dimanche 7 juin 2009 au soir, la rumeur tourne au vent de panique. Sur les chaînes françaises, un bandeau déroulant annonce le décès du Président gabonais. Mais aucune communication officielle de la part de Libreville.
Plus tard dans l’après-midi du 8 juin 2009, le Premier ministre gabonais annonce le décès d’Omar Bongo à l’âge de 73 ans, et 41 années passées à la tête du Gabon, à la clinique Quiron de Barcelone. « C’est à 14H30 que l’équipe médicale m’a informé, ainsi que les officiels et membres de la famille présents, que le président de la République, chef de l’Etat, Omar Bongo Ondimba, venait de rendre l’âme des suites d’un arrêt cardiaque », avait indiqué le chef du gouvernement gabonais dans un message.
« À Libreville, la population était restée dans l’expectative. La plupart des magasins et des restaurants avaient gardé leurs rideaux baissés. Les gens avaient peur », a rapporté à l’Agence Anadolu, le journaliste gabonais, Bertin Ngoua Edou, directeur de publication du journal satirique "Le Diagnostic". Le ministère de la Défense, dirigé par Ali Bongo Ondimba, fils du président défunt, avait décidé peu après cette annonce de « la fermeture des frontières terrestres, aériennes et maritimes » du pays.
Après avoir appelé la population au « patriotisme » et au « calme », il avait également annoncé « la mise en place de toutes les composantes des forces de défense sur tout l’ensemble du territoire » et « la sécurisation des sites et des bâtiments administratifs sensibles ». Le gouvernement avait aussi décrété un deuil national de 30 jours. L’annonce de la mort du président gabonais Omar Bongo Ondimba avait provoqué une avalanche d’hommages venus de personnalités politiques.
« C’est un grand et fidèle ami de la France qui nous a quittés, une haute figure de l’Afrique et un chef d’Etat qui avait su gagner l’estime et le respect de l’ensemble de ses pairs, notamment par ses nombreuses initiatives en faveur de la paix sur le continent africain », avait déclaré le Président français, Nicolas Sarkozy.
Succession difficile
La succession d’Omar Bongo Ondimba, décédé le 8 juin 2009, à la tête du Gabon s’annonçait difficile. Le Premier ministre gabonais, Jean Eyeghé Ndong, avait reconnu qu’une élection présidentielle anticipée ne pourra avoir lieu à la fin juillet, comme prévu. Alors que la succession de l’ancien président attisait les luttes en coulisses et que le ministre de la Défense Ali Ben Bongo était présenté comme l’un des principaux prétendants à la succession de son père, le Premier ministre avait envisagé sa propre candidature.
L’un de ses concurrents était son propre beau-frère, ministre des Affaires étrangères, compagnon de Pascaline Bongo, 52 ans. Grande argentière du régime Bongo, elle détenait la clé de la fortune, probablement immense mais très disputée, de son père. En vertu de la Constitution, l’intérim devrait revenir à la présidente du Sénat, Rose Francine Rogombé, jusqu’à une élection à organiser dans les quarante-cinq jours.
Mais le caractère inédit de la situation, en près d’un demi-siècle d’indépendance, faisait craindre un scénario moins policé. « Le Gabon était à la croisée des chemins entre respect de la Constitution et guerre civile », a estimé Bruno Ben Moubamba, porte-parole de l’association Acteurs libres de la société civile gabonaise. Selon le politologue gabonais Jean-François Obiang, le premier théâtre de cette guerre sourde, c’était le Parti démocratique gabonais (PDG), le mouvement fondé par Bongo.
« Les prétendants y étaient nombreux, à commencer par Ali Bongo, le fils aîné. Ministre de la Défense, peu populaire, il avait tenté en vain de se faire adouber du vivant de son père. Mais lors des cérémonies, il s’était placé en chef de la famille, semblant mettre en sourdine les querelles avec sa sœur Pascaline. Cette dernière avait néanmoins été tentée de pousser son compagnon, le discret ministre des Affaires étrangères Paul Toungui ou même son ex-mari, le vieux compagnon de route de Bongo, Jean Ping », a souligné le politologue.
Ali Bongo président
Lors d’un congrès extraordinaire, le Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir), avait officiellement choisi, fin juillet 2009, Ali Bongo, le fils du défunt Président Omar Bongo Ondimba, pour le représenter à la présidentielle anticipée du 30 août. Le 31 aout 2009, alors que les résultats ne sont pas encore publiés, Ali Bongo se déclare « largement gagnant ». Selon les résultats publiés plus tard, Ali Bongo avait remporté le scrutin avec 141.952 voix (41,73%) suivi par André Mba Obame 88.026 voix (25,88%).
La victoire d’Ali Bongo avait été contestée et « à Libreville, de violents affrontements avaient eu lieu entre les opposants à la candidature à l’élection présidentielle de Bongo et les forces de l’ordre », a souligné Zacharie Myboto, ex-baron PDG. Il a ajouté qu’Ali Bongo avait dominé la campagne « grâce à la machine électorale du PDG. D’importants moyens financiers lui avaient permis de sillonner le pays et de couvrir la capitale Libreville d’affiches à son effigie. L’opposition avait dénoncé aussi la période de campagne trop courte, lui laissant peu de temps pour s’organiser ».
Malgré toutes ces contestations, le 16 octobre 2009, Ali Bongo Ondimba est investi président. Des violences postélectorales et des pillages avaient secoué Port-Gentil (Ouest), faisant plusieurs morts. Après ces élections, le journaliste français, Pierre Péan, a affirmé qu’Ali Bongo avait falsifié son acte de naissance, dans son livre "Nouvelles affaires africaines". Cette thèse, vigoureusement démentie par Libreville, affirme que le Président est un enfant nigérian adopté par Omar Bongo pendant la guerre du Biafra, à la fin des années 1960.
Point important, car, selon la constitution gabonaise, il faut être né gabonais pour briguer la présidence. Avant la présidentielle du 27 août 2016, l’opposition demande, en vain, l’invalidation de la candidature d’Ali Bongo, répétant qu’il est un enfant nigérian adopté et qu’il ne peut pas être président. Le 31 août 2016, la commission électorale annonce la réélection d’Ali Bongo, devant son adversaire Jean Ping.
Cette annonce est suivie par des manifestations anti-Bongo, des interpellations par centaines, d’assaut des forces de sécurité contre le QG de Jean Ping... Ces troubles font trois morts, selon les autorités, une trentaine, selon l’opposition. Le 2 septembre 2016, Jean Ping se proclame « président élu » mai le 24 septembre, la Cour constitutionnelle valide la réélection d’Ali Bongo.
Absence prolongée
Le 24 octobre 2018, Ali Bongo est victime d’un accident vasculaire cérébral, alors qu’il était en visite en Arabie saoudite. Il est hospitalisé pendant plus d’un mois à Riyad, puis transféré à Rabat. Un groupe de militaires appelle le 7 janvier 2019 à un soulèvement, dans une apparente tentative de coup d’État alors que le Président Ali Bongo Ondimba est toujours absent du pays. Le gouvernement déclare rapidement que la tentative a échoué et que les mutins sont en fuite ou ont été arrêtés.
« Ce coup d’Etat avorté trahit le profond malaise dans lequel s’enlise le Gabon, petit "émirat" pétrolier du golfe de Guinée aux mains de la dynastie Bongo -le père, Omar, décédé dans une clinique barcelonaise à l’été 2009, puis son fils Ali- depuis plus d’un demi-siècle. Malaise intensifié par l’absence de l’héritier, victime le 24 octobre 2018 à Riyad (Arabie saoudite) d’un sérieux accident vasculaire cérébral (AVC) », a expliqué le politologue Jean-François Obiang.
Cependant, pour l’analyste politique camerounais Louis Kemayou, « l’épisode de l’AVC a mis en lumière le dévoiement chronique d’institutions confisquées par une caste soucieuse de perpétuer son emprise. Plutôt que de constater la vacance du pouvoir, la Cour constitutionnelle, dirigée par une ex-compagne de Bongo-père, a choisi de transférer l’essentiel des prérogatives du chef de l’État au Premier ministre et au vice-président. Et ce, au prix d’une douteuse acrobatie juridique. Il ne s’agissait là, il est vrai, que du énième avatar de la dérive d’une démocratie elle aussi gravement malade ».
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