Pr Fabien Owono Essono, de baron du PDG à farouche opposant au régime Bongo
Nombreux sont les instruits ou autres intellectuels gabonais qui ont longtemps soutenu le régime Bongo et celui de Léon Mba bien avant. Certains sous la contrainte et d’autres pour servir leurs intérêts personnels. S’enrichissant au détriment des souffrances socio-économiques des populations. Les critiques et autres cancans à leur égard n’ont, le plus souvent pas, suffit à les détourner du choix égoïste qu’ils avaient fait.
Les exemples sont légion et le désamour des gabonais à l’endroit de ces hommes et de ces femmes s’est davantage renforcé au fil des années. Par ailleurs, après avoir servis la tyrannie et l’oppresseur, certains de ces acteurs de la vie politique gabonaise rallièrent la juste cause du « faible » et du « nécessiteux », répondant à l’appel poignant et attristé du plus grand nombre. Certes, les conditions d’une réelle ascension sociale n’étaient quasiment conditionnées que par l’allégeance au pouvoir mais quelques-uns apprirent à résister à l’appât que leur tendait le microcosme politique dont le centre gravitationnel reposait en l’adhésion au parti unique appelé à tort ou à raison « parti de masses » : le Parti démocratique gabonais (PDG).
Par calcul politique inavoué ou par sursaut républicain et/ou citoyen, plusieurs cadres de ladite formation politique ont grossi peu à peu les rangs d’une opposition souvent perméable et dispersée ; d’autres allant même jusqu’à parler « d’opposition modérée » pour certainement plaire davantage et courtiser en tapinois, les salons feutrés de la présidence gabonaise. Quoi qu’il en soit, parmi ces élites, certains firent le choix de s’opposer radicalement à leur ancien patron, ce fut le cas du professeur émérite d’économie Fabien Owono Essono (1945-2021).
Au commencement
C’est le 22 décembre 1945 dans la ville d’Oyem, au nord du Gabon, que vient au monde Fabien Owono Essono. Ses parents étaient tous deux natifs de cette région appartenant à la province du Woleu-Ntem. On dit de lui qu’il était un fervent chrétien catholique et pratiquant comme plusieurs de ses consanguins, chose plausible car la quasi-totalité des religieux d’obédience catholique en ces temps était originaire du septentrion et du Nord du pays.
Cursus
C’est dans son Oyem natal que Fabien Owono Essono fit ses études primaires et la moitié de ses études secondaires. Il y décroche d’ailleurs son Certificat d’études primaires élémentaires (CEPE) ainsi que son Brevet d’études du premier cycle (BEPC). Il est par la suite envoyé au lycée national Léon Mba dans lequel il est inscrit en série scientifique. Fabien Owono Essono y sort nanti d’un baccalauréat C.
Il ne fait aucun doute à cette époque que le jeune Owono est d’une intelligence remarquable et porte en lui les fruits d’un futur cadre du pays. La France sera la destination pour ses études universitaires. Il rejoint la région de l’Occitanie et intègre l’Université de Montpellier. Après des années d’études, Fabien Owono Essono obtient un doctorat en économie et ce de façon magistrale : son diplôme porte la mention « très bien ».
Carrière administrative
Quand il regagne son pays le Gabon, le désormais Pr Fabien Owono Essono intègre le corps enseignant de l’Université nationale du Gabon devenue Université Omar Bongo en 1978 en tant que professeur d’économie. Ses connaissances dans le domaine des sciences économiques et sociales sont significatives et reconnues de tous. Mais le président Bongo veut en faire un collaborateur de choix afin qu’il travaille au plus près de lui. C’était de toute façon la pratique à l’époque. Le chef de l’Etat, Bernard Bongo, avait cette malice politique de s’entourer des meilleurs dans leurs domaines respectifs, disait-il, pour « servir la nation et le peuple gabonais ».
Mais l’histoire est têtue du moins dans les faits et c’est bien le contraire qui eut lieu. Plusieurs responsables politiques et administratifs n’ont fait que « se servir et servir le président », abandonnant la population à son triste sort. Un système de prédation et de paupérisation pensée et structurée par les élites elles-mêmes censées mettre leurs compétences au profit de la richesse nationale et personnelle voire unipersonnelle.
Le Pr Fabien Owono Essono fut alors propulsé à diverses fonctions au sein de la présidence de la République au détriment des amphithéâtres dans lesquels il se devait de former continuellement les cadres de demain. Il occupa d’abord le poste de conseil du président de la république puis celui de directeur adjoint du cabinet civil du chef de l’Etat. Après cela, il fut nommé directeur général de la compagnie aérienne gabonaise « Air Gabon » dont la disparition aujourd’hui est en partie due à plusieurs malversations financières.
Puis, le Pr Fabien Owono Essono devint secrétaire général du gouvernement. Par la suite, il est envoyé au secrétariat général du ministère des mines et des hydrocarbures pour y être le patron. Par ailleurs, il deviendra successivement, ministre délégué en charge des Petites et moyennes entreprises, ministre délégué aux Finances chargé de la Privatisation et en fin ministre de l’Agriculture chargé du Développement.
Après avoir été à plusieurs reprises membres du gouvernement, le Pr Fabien Owono Essono devint haut représentant personnel du chef de l’Etat chargé des affaires économiques et financières, délégué Général du gouvernement auprès de la Société d’exploitation du Transgabonais (Setrag) et in fine, délégué de l’Autorité de régulation des transports ferroviaires (ARTF).
Faits d’armes politiques
Le Pr Fabien Owono Essono devient officiellement un membre du PDG en 1997 bien qu’il travaillait déjà étroitement avec le président Omar Bongo. C’est sous la bannière de ce parti qu’il devint député de la commune d’Oyem. Il servit sa formation politique avec toute l’énergie qu’il pouvait y mettre à disposition. Loyal et disponible, il n’avait jamais « failli à sa tâche » ou trahi la confiance que Omar Bongo avait à son égard.
Il avait été nommé membre du bureau politique du PDG dans la ville d’Oyem mais avait été réduit au rang de « simple militant » de ladite formation politique et ce depuis son 9ème congrès ordinaire national qui avait débuté le vendredi 19 septembre 2008 à l’issue des congrès provinciaux du 8 au 15 août de la même année.
Malgré cette position dégradante pour lui, il soutint Ali Bongo à l’élection présidentielle de 2009 sans toutefois retrouver une stature de poids. A l’approche de la présidence de 2016, le Pr Fabien Owono Essono décida d’accroître les rangs de l’opposition et notamment le camp de Jean Ping. Ce fut pour beaucoup un soutien considérable dans le « Grand Nord » pour celui pour qui il décida de défendre les couleurs.
Le Pr Fabien Owono Essono affirma avoir fait le choix de ne plus se taire et de ne plus être passif sur l’enlisement dans lequel le pays se trouvait. Sa démission du PDG fut très mal prise par les membres dudit parti surtout ceux d’Oyem de surcroît pour rallier le challenger numéro désigné par Ali Bongo : Jean Ping.
Disparition
Le Pr Fabien Owono Essono s’éteint le 23 juillet 2021 à son domicile de Libreville situé dans la commune d’Akanda au Nord de Libreville.
Plusieurs personnalités gabonaises avaient tenu à rendre hommage à ce commis de l’Etat notamment le Pr Daniel Ona Ondo, ex premier ministre gabonais. Il s’était exprimé en ces termes via sa page Facebook « Le regretté Fabien Owono Essono laisse en effet, un héritage humain, social et politique inestimable dans sa ville natale d’Oyem. Cet ancien ministre qui était très apprécié de tous pour ses qualités intrinsèques va sans nul doute manquer à notre localité qui perd un de ses plus illustres fils ».
@info241.com