Nominations au Gabon : quand clanisme et unité nationale ne font pas bon ménage
Le Gabon vient de célébrer ses 60 ans d’indépendance. Comme la plupart des pays au sud du Sahara d’ailleurs. L’un après l’autre, telle qu’elle leur a été « offerte ». Seulement, celle du Gabon laisse interrogateur sur plusieurs points sur les valeurs d’unité nationale à chaque fois qu’intervient une nomination d’une personnalité à de hautes fonctions dans l’appareil de l’Etat.
Proclamé vainqueur de l’élection présidentielle anticipée de 2009, Ali Bongo prône d’entrée de jeu, un changement de paradigme. Vraisemblablement excité et pressé d’exercer cette fonction, peu importe les conditions dans lesquelles s’étaient déroulées cette élection. C’est un Ali Bongo énergique qui entend refaire le Gabon. Il entend surtout le réformer de fond en comble. À côté de la multitude d’agences qu’il va créer, il est partout à la fois. Sur tous les fronts. Sur le plan politique, le fils qui vient de succéder à son père décédé, va trancher dans le vif. « Le pouvoir gouverne. L’opposition s’oppose ! ».
De quelle unité nationale parle t-on ?
Dans ce même élan, Ali Bongo va interdire certaines pratiques qui avaient cours durant le long règne de son prédécesseur. Par exemple, il fustigera cette propension qu’ont certains compatriotes d’aller célébrer, devant caméras, leur nomination à une fonction importante ou leur entrée au gouvernement. Mais c’était sans compter avec le système qui l’a fabriqué, lui-même. À beau chasser le naturel, il revient au galop !
Peu à peu, les pratiques que voulait proscrire le tonique Ali Bongo vont revenir en force. Or, à cette époque, le nouveau chef d’Etat voulait y mettre un terme du fait que de telles pratiques n’étaient pas les bien venues dans une République qui prône l’unité nationale. Onze ans plus tard, alors qu’il vient de nommer un nouveau gouvernement, le 16 juillet passé, force est de constater que la pratique est revenue en force. Il ne se passe pas une semaine sans qu’un groupuscule de parents et amis d’un des membres de la nouvelle équipe gouvernementale ne vienne s’exhiber sur la principale chaîne de télévision publique du pays. Un quidam assis et entouré par quelques proches du promu, lisent un tas de papiers pour remercier tout poliment Ali Bongo d’avoir honoré leur communauté en nommant un des leurs au prestigieux poste de ceci ou de cela.
Après Rose Christiane Ossouka, dont la communauté Omyénè s’est réjouit pour sa nomination au poste de Première ministre, le tour est revenu aux Oyemois en faveur de Guy Patrick Obiang Ndong, nommé ministre de la santé. Il y a trois jours, Ntoum emboîtait le pas. Il fallait qu’Ali Bongo soit remercié pour avoir nommé Carmelia Ntoutoume. Et la pratique suit son cours...
Quid de la compétence des promus ?
À cette allure, malheur est justement de constater que le système qui gouverne la Gabon est bien plus qu’obsolète. « Paris ne s’est pas construit en un jour », certes. Ont-ils l’habitude de dire, pour justifier leurs faiblesses. Mais ne peut-on pas copier en soixante ans, ce qui est bien dans les grandes démocraties ? En France, notre meilleure référence, personne ne sait qui est proche parent de tel ou tel ministre.
Même dans certaines régions du continent, la pratique devenue norme peut se faire. Mais dans un cadre strictement privé et intime. Aucune image ne doit sortir du lieu où se serait tenue une telle cérémonie. Tout simplement parce que l’entrée à un gouvernement n’obéit nullement à des copinages ou à de simples considérations de proximité entre X et Y. Mais bien aux états de service, à la présomption de compétence ou de connaissance de celui ou de celle qui accède à ladite fonction, dans le but de ne servir que la République.
Contrairement à cette disposition, les gouvernants gabonais semblent avoir réduite la République à sa plus simple expression. Comment peut-on concevoir et soutenir que soixante ans après qu’on soit indépendants, quoique factice, on en soit encore à perpétuer de telles pratiques sur les antennes d’une chaîne nationale suivie du corps diplomatique accrédité dans notre pays et à l’international, puisque désormais sur bouquets satellitaires ? Comment marteler sur une unité nationale et une concorde quand de telles pratiques ont pignon sur rue en plein 21è siècle ?
À l’évidence, si les proches de ceux qui arrivent aux affaires doivent systématiquement confondre une fonction étatique à une acquisition personnelle ou familiale, qu’en est-il de ceux des personnalités qui en sortent ? Le Gabon n’est-il pas une République où les ouvriers se relaient à la tâche de son développement ?
Nous sommes tentés de répondre par la négation, tant les cultures du sous-développement sont promues et soutenues par ceux même qui doivent tout mettre en œuvre pour les proscrire.
Car, que l’on sache, un chef d’État, quel qu’il soit, aura toujours besoin de nommer un gouvernement et tout ce qui s’en suit. Il ne peut exercer un mandat tout seul. D’où vient alors qu’on tienne obligation de l’en remercier comme s’il en avait le choix ? Finalement on comprend mieux pourquoi l’administration n’est pas continue au Gabon. Simplement parce que chaque ministre qui arrive à la tête d’un département aura d’abord le souci de caser les siens et de traiter les dossiers qui touchent majoritairement ceux de sa communauté. Une bien triste réalité.
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