Visite officielle ratée : Quid du sérieux de la communication officielle au Gabon
Annoncée tout le weekend comme l’événement politique majeur de ce début de semaine par la présidence de la République gabonaise, la visite du président togolais, Faure Gnassingbé Eyadéma à Ali Bongo n’a pas eu lieu. Aucune explication n’est venue du bord de mer pour justifier une telle déconvenue magistrale. Même si un coupon d’un journal de la presse togolaise en circulation sur les réseaux sociaux tente de calmer le jeu, les doutes sont renforcés et la déculottée crédibilise les dernières déclarations d’un député français lors du tout premier passage au palais Bourbon du gouvernement Jean Castex la semaine dernière.
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Qui dirige le Gabon ?
C’est là la question centrale du collectif "Appel à agir", un groupe composé d’une dizaine de personnalités proches de l’opposition gabonaise et de la société civile. Dès les premières semaines qui ont suivi la chute d’un Ali Bongo, victime d’un terrible accident vasculaire cérébral (AVC) le 24 octobre 2018 en Arabie Saoudite, les premières interrogations ont commencé à fuser.
Ali Bongo paraissant toujours affaibli lors de rares manifestations officielles
En toute logique, il y’a bien longtemps que le Gabon aurait mis en branle ses mécanismes juridiques pour constater qu’Ali Bongo Ondimba, au départ mal élu, ne pourrait plus assumer la charge de président de la République. Mais au lieu de cela, le gouvernement, les sécurocrates du régime et les lobbys qui tirent leur profit d’un Gabon en décadence depuis les indépendances, ne pouvaient pas rêver mieux pour accentuer encore plus la décadence qu’ouvrait cette incapacité.
En un laps de temps, les caisses de l’État ont saigné comme jamais auparavant. Directeur de cabinet du président à l’époque des faits, Brice Laccruche Alihanga exercera la fonction présidentielle durant de longs mois. Ses amis se retrouveront très vite aux postes clés de la haute administration jusqu’à leur éviction brutale en fin d’année 2019.
Une communication vague et dispersée
Mais au niveau de la communication officielle du protocole d’État, alors que l’on se souvient encore du volte-face d’Ike Ngouoni, de "fatigue légère" à "fatigue sévère" pour informer l’opinion sur l’état de santé réel d’Ali Bongo, l’arrivée à ce poste de Jessye Ella Ekogha ne semble pas pour arranger les choses. Alors qu’on vantait volontiers ses distinctions et sa maîtrise de la communication digitale, fort fut l’étonnement des gabonais de découvrir un jeune homme très mal à l’aise devant micros et caméras, bottant en touche quasiment l’essentiel des questions de la presse.
Jessye Ella Ekogha, l’actuel porte-parole présidentiel
À ce jour, ils sont nombreux qui se demandent à quoi servent encore la presse dite présidentielle. Réduite à commenter les clichés furtifs et apparitions éclairs d’un Ali Bongo anéanti par le terrible mal qui le ronge ? Qu’est-il advenu du protocole d’État ? On se souvient encore de l’annonce tonitruante du retour définitif d’Ali Bongo après un long séjour médical en Arabie Saoudite et au Maroc. Annoncé rentrer en forme et ayant recouvré l’ensemble de ses moyens physiques et fonctions cognitives, les premières images parvenues depuis son envol en terre marocaine ont tout de suite fait taire les plus triomphalistes. Le Chef de l’Etat n’est pas du tout en forme ! Mais diantre, qui dirige cette communication officielle ?
Depuis bientôt deux ans, ainsi fonctionne le Gabon. Une communication présidentielle réduite à démentir. Pour ce faire, il faut tout de suite apporter la preuve qu’Ali Bongo dirige encore le pays. Et c’en est ainsi à la moindre révélation d’une personnalité du pays ou de l’étranger. Le député français Bruno Fuchs y a fait récemment un clin d’œil au Gabon en demandant, du haut du perchoir de l’Assemblée nationale française, au gouvernement Jean Castex d’œuvrer pour plus de démocratie au Gabon, avec notamment la situation d’un Jean Ping assigné à résidence. Et pour le regretter, la situation d’un Ali Bongo qui « n’est plus en capacité de diriger depuis dix-huit mois ».
De la nécessité de coordonner la riposte
Il n’en fallait pas plus pour que le bord de mer se soulève. Dans leur approche, c’est plusieurs membres du gouvernement qui vont, chacun pondre sa petite et malhabile publication. Puis vint l’ingénieuse idée d’annoncer dans la foulée, la visite d’Etat de Faure Gnassingbe du Togo pour lundi 13 juillet 2020. Sauf que mal leur en a pris. Le fils Eyadema n’a jamais foulé le sol gabonais ce jour-là. Et silence radio du côté des officiels. Que s’est-il passé pour faire subir un tel affront à toute une nation ?
Le post épidermique du ministre Franck Nguema
Symbole fort de cette grosse déconvenue, la publication épidermique du ministre Franck Nguema sur sa page Facebook officielle, le tourne en ridicule sur les réseaux sociaux. Mais ce qui est avéré ici, ce n’est pas tant l’hyper communication du ministre qui publie tout et absolument tout et n’importe quoi via ses pages, c’est de constater qu’ils ont beau être membres du gouvernement, ils demeurent majoritairement eux aussi, dans l’enfumage. Exactement comme le gabonais lambda. Sinon, comment comprendre qu’une personnalité de ce rang pourrait s’amuser à répercuter une information qui avait l’air d’être officielle, sans que celui-ci sache d’où elle vient et si réellement elle émanait du protocole d’Etat ?
À l’évidence, la cacophonie actuelle au sommet de ce pouvoir démontre chaque jour un peu plus qu’à force d’outrepasser ce qui est une évidence qui saute aux yeux de tous et de chacun ; à force de retarder la vacance du pouvoir, les circonstances et les rendez-vous républicains l’imposent chaque jour un peu plus. Ne pas le reconnaître revient à penser que l’on a, mortels que nous sommes, la maîtrise du temps, attribut divin.
Qu’est-ce qui justifie l’annulation de la plupart des rituels conventionnels inhérents à la célébration de notre indépendance ? Pourquoi a t-on vite fait de communiquer par anticipation sur cette fête alors que rien ne presse ? Pourquoi de si longues vacances annoncées pour le couple présidentiel en Europe ? Pourquoi autant de modifications constitutionnelles qui passent de façon aussi expéditive ? En quoi un recrutement à la Garde républicaine (GR) est-il opportun maintenant ?
Autant de questions censées qui, loin de dissiper et de rassurer l’opinion, confortent l’interrogation QUI DIRIGE LE GABON ? Gageons que la réponse à cette question s’imposera d’ici là et soulèvera à n’en point douter, une série de réponses pour que survive le Gabon éternel.
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