Jean Ping lance un ultimatum à Ali Bongo en l’invitant à respecter le verdict des urnes
Jean Ping semble engagé dans un rapport de force contre le régime controversé du Palais du bord de mer. En effet, l’ancien candidat unique de l’opposition à la présidentielle, à la tête de la coalition pour la Nouvelle République s’est présenté en « Président élu » de la République gabonaise à l’occasion de son méga-meeting, tenu hier au collège Ntchoréré de Libreville. L’opposant gabonais qui revendique toujours sa victoire à la présidentielle 2016 a invité Ali Bongo « à la passation des charges sans délai pour mettre fin aux souffrances du peuple gabonais »
Le dialogue politique d’Ali Bongo qui se tiendra jusqu’au 10 mai prochain paraît avoir du plomb dans l’aile. L’objectif de cette messe politique qui est de tenter d’apaiser les tensions post-électorales se fait sur un déni originel du processus électoral controversé d’août dernier. Ce dialogue est décrié par une majorité de la population gabonaise et la coalition des partis de l’opposition autour de Jean Ping, qui a d’ailleurs profité de son méga-meeting pour dénoncer ce qu’il a qualifie du « coup d’Etat militaro-électoral ».
Dès l’entame de ce meeting, le président du comité d’organisation, Jean François Ntoutoume Emane, a dénoncé « la fraude électorale » perpétuée le 27 août 2016 par Ali Bongo et son régime : « Fidèle à leur diabolique attitude, je dirai même à leur indécrottable atavisme le pouvoir a décidé de confisquer la victoire du peuple et de précipiter le pays dans l’abîme ». Tout en précisant que : « contrairement à la légitimité et à la souveraineté du peuple explicitement exprimé à travers les urnes, ils ont fait le choix, toute honte bue à travers de grossières escroqueries électorales, d’une légitimité incertaine ou crapuleuse, procédant également au massacre de nombreux de nos jeunes compatriotes, espérant ainsi bâillonner par la peur notre peuple ».
Pari risqué, pari réussi pour la coalition de Jean Ping qui demeure toujours enracinée. Ce, malgré quelques défections et pas des moindres. Devant 20.000 personnes selon les organisateurs, un peu moins selon une source indépendante, chauffées à bloc dans l’enceinte du collège Ntchoréré de Libreville, arborant des tee-shirts à son effigie, Jean Ping accompagné des ténors de sa coalition des partis de l’opposition pour la Nouvelle République, n’est pas allé de main morte en fustigeant le déni de démocratie du régime d’Ali Bongo. Sans manquer d’observer une minute de silence « en mémoire et en souvenir de nos martyrs, notamment ceux qui ont été lâchement assassinés en août et septembre 2016... ».
Une vue du public présent au meeting de l’opposition !
Prise du pouvoir : Jean Ping engagé à faire respecter les résultats des urnes
S’exprimant sur les résultats de la présidentielle du 27 août 2016, Jean Ping a poursuivi la dynamique de revendication de sa victoire et a réaffirmé l’adhésion du peuple gabonais à son leadership présidentiel. En affirmant : « ce dirigeant que vous avez élu c’est moi Jean Ping. C’est moi qui dois nommer aux plus hautes fonctions de l’administration civile, militaire et diplomatique. C’est moi qui dois fixer les orientations de la politique nationale. Tout ce qui est fait aujourd’hui, sans moi, que vous avez élu, est illégitime et illégal » .
La situation actuelle d’un blocus politique et le règne depuis 8 mois d’Ali Bongo Ondimba sur les institutions dites républicaines du pays ont douché l’espoir de certains partisans de l’opposition gabonaise rêvant d’une alternance démocratique à la tête de la nation. Pour tenter de rassurer ceux qui sont gagnés par un scepticisme quant à sa prise effective du pouvoir présidentiel, Jean Ping a expliqué que « les signes qui annoncent la fin du coup d’Etat sont : 1-L’enquête de la CPI qui conclura assurément à l’arrestation des meurtriers du peuple gabonais. 2-les sanctions ciblées de la communauté internationale qui vont frapper les auteurs et complices du coup d’Etat militaro-électoral ».
Serein, Jean Ping a lancé un énième ultimatum au régime d’Ali Bongo, l’invitant à respecter le verdict des urnes : « c’est pourquoi, devant vous, peuple gabonais, je m’adresse solennellement encore une fois à Ali Bongo en l’appelant fermement à se conformer à la vérité des urnes. Ali Bongo, les Gabonais ne vous ont pas accordé la majorité de leurs suffrages, vous le savez très bien, la communauté internationale le sait également. Je vous invite par conséquent, à la passation des charges sans délai pour mettre fin aux souffrances du peuple gabonais ».
Analysant la situation de crise généralisée qui règne au Gabon, l’ancien président de la Commission de l’Union africaine a fait remarquer que : « Le Gabon ne peut plus éduquer ses enfants. Les putschistes ont déclaré la guerre à l’École gabonaise, car c’est de cela qu’il s’agit. La solde de plus de huit cents enseignants a été arbitrairement suspendue. De nombreux enseignants ont été radiés de façon abusive (…), le Gabon ne peut plus soigner ses enfants. Les femmes continuent d’accoucher à même le sol. Le Gabon n’a plus de justice, sinon celle aux ordres des imposteurs. Le climat des affaires s’est détérioré de manière drastique, le secteur pétrolier est en lambeau, les faillites et les fermetures des entreprises se multiplient. Le chômage explose, la pauvreté a atteint des sommets ».
Jean Ping invite à la responsabilité de chaque Gabonais pour la libération du pays
Devant une foule acquise à sa cause, arborant des affiches, pancartes, banderoles et tee-shirts, ’’Jean Ping Président", celui qui se présente comme le "Président élu" du Gabon a déclaré : « Nous voici réunis dans cette cours du collège qui porte le nom d’un illustre fils de Libreville mort pour la libération de la France, mort pour la liberté tout court. Cette place où nous nous réunissons aujourd’hui comme depuis un moment, la cours du collège Ntchoréré est, à l’image de tous ceux qui vivent désormais à Libreville et dans l’Estuaire, le symbole de la diversité de notre pays. Chacun de nous a compris depuis le 15 août, que nous avons tous un rôle à jouer ; nous avons tous un rôle à jouer, mes chers compatriotes. Chacun de nous a compris depuis le 27 août 2016 que le Gabon ne pouvait être sauvé que par la conjugaison de nos propres forces « Unis dans la concorde et la fraternité ».
Poursuivant son discours, Jean Ping a martelé : « Chacun de nous a également compris que l’amélioration de son sort passe par plus de libertés dans notre pays. C’est dans ce sens que Vous avez massivement voté pour l’alternance et le changement. Vous avez élu un nouveau président. Devant vous se tient ici, debout, chargé d’énergies multiformes et positives, le Président de la Nouvelle République que vous avez librement choisi. Devant vous se tient debout celui que le peuple de Dieu, vous peuple gabonais, avez librement élu pour accéder enfin à la terre promise. Sur le chemin de la terre promise, le peuple s’est courageusement pris en main. Sur le chemin de la terre promise, avec votre soutien, avec la bénédiction de nos ancêtres, avec l’onction divine, j’ai pris le relais de votre Moïse qui a si bien porté ce nom, n’est-ce pas ? ».
En convoquant la mémoire des opposants et citoyens gabonais morts pour l’alternance démocratique au Gabon Jean Ping a rappelé : « Le mercredi 12 Avril, je suis allé à Medouneu rendre un hommage mérité à André Mba Obame (AMO), le ’’Moïse du Gabon’’, un de vos illustres enfants. Je lui ai demandé de nous assister, de poursuivre avec nous le combat qu’il a si courageusement commencé. Je lui ai demandé d’appeler tous ceux qui, avant et après lui, ont perdu la vie dans ce combat, Joseph Rendjambe Issani, Pierre Mamboundou Mamboundou, Mboulou Beka, pour ne citer que ceux-là, pour qu’ils nous aident à en finir avec cette imposture qui nous étouffe ».
Concluant son discours, le natif d’Omboué épris d’optimisme et d’assurance quant à l’issue du combat politique pour alternance démocratique au Gabon, a indiqué : « Ceux qui ont les yeux bien ouverts peuvent les voir ici, ils sont là avec nous, car dans nos cultures, les morts ne sont pas morts, ils nous accompagnent. Ils nous parlent et nous disent qu’à leur niveau, tout est déjà accompli, il reste maintenant à matérialiser cela dans le monde des vivants qui est le nôtre ».
Rappelons que le processus électoral de la présidentielle du 27 août 2016 a été marqué par un soulèvement populaire réprimé par ce que les opposants nomment « la milice militaire d’Ali Bongo » et par le bombardement à l’arme lourde du QG de Jean Ping ». Ce dernier a été crédité par la Cour constitutionnelle de 47,24% des voix, contre 50,66% pour Ali Bongo après les élections du 27 août 2016. Un résultat obtenu grâce aux taux de participation éléphantesque de 99,93% de la province dont est issue la "famille Bongo Ondimba". Pour rattraper à tout prix les résultats nationaux qui le situaient à moins de 30% des suffrages.
Ceci par un gonflement prouvé du collège électoral du Haut-Ogooué. Surplombant la moyenne nationale du taux de participation à ce scrutin capital à plus de 40 points (99,93% de taux de participation). Pour faire court, tous les inscrits dans cette province se sont déplacés pour aller voter pour le désormais président de la "république" du Haut-Ogooué à 95%. Un pourcentage si soviétique qu’improbable ! Résultat dénoncé par Jean Ping et sa coalition décriant la partialité de la Cour constitutionnelle, baptisée Tour de Pise, de la CENAP et du Ministère de l’Intérieur.
Le camp de Jean Ping prend pour preuve le rapport de la mission électorale d’observation de l’Union africaine et surtout de l’Union européenne qui « considère que les résultats officiels de l’élection présidentielle manquent de transparence et sont extrêmement douteux, ce qui a eu pour effet de mettre en cause la légitimité du président Ali Bongo ». Le spectre des sanctions contre Ali Bongo Ondimba et son régime avait surgit le 02 février 2017 à Bruxelles. Les euro-députés avaient tranché en affirmant que les résultats de l’élection présidentielle de 2016 au Gabon sont "non transparents et très douteux", dans une résolution votée à la majorité au Parlement européen portant sur les crises de l’état de droit en République démocratique du Congo et au Gabon.
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