Les parcours politiques des personnes qui ont dirigé l’instance supranationale africaine par excellence, l’Union Africaine (UA) ancienne Organisation de l’unité Africaine (OUA), semble frappé d’une malédiction : une fois leur mandat achevé, ils ont souvent été en conflits avec leur chef d’Etat respectif.
Mieux, pour ceux qui ont eu ou à qui on a prêté des ambitions présidentielles légitimes, ont connu une fin tragique ou ont été écarté. Pourtant pour les cas de la Côte d’Ivoire et du Gabon, deux anciens dirigeants de la plus importante organisation panafricaine sont en lice pour l’accession à la magistrature suprême au cours d’élections présidentielles prévues à venir, respectivement en 2015 et en 2016.
Éléments de contexte historique
Le premier secrétaire général de l’Organisation de l’unité Africaine (OUA) à qui on a prêté des ambitions présidentielles, Boubacar Diallo Telli a eu un sort abominable. Boubacar Diallo Telli, était un Guinéen brillant diplômé de l’Ecole William Ponty et de l’Ecole Nationale de la France d’Outre-Mer, il était aussi l’ancien secrétaire général de l’Afrique Equatoriale.
Après le « NON » de la Guinée au référendum de 1958 proposé par Charles de Gaulle aux anciennes colonies françaises d’Afrique, il se met naturellement à la disposition du leader indépendantiste Guinéen Sékou Touré qui peu de temps après le charge de faire adhérer la Guinée à l’O.N.U., Diallo Telli réussira sa mission avec brio.
Boubacar Diallo Telli à Paris en 1951
Auréolé par ses succès diplomatiques, son nom s’impose à la présidence de la toute nouvelle Organisation de l’Unité Africaine en 1964 à tout juste 39 ans. Détesté progressivement par Sékou Touré qui ne possédait ni sa classe ni son instruction, le prendra quand même comme ministre de la justice après son magistère à Addis Abeba, il finira arrêté par la police politique Guinéenne et conduis au sinistre Camp Boiro.
Accusé de complot, Diallo Telli est affreusement torturé et sommé par Sékou Touré en personne d’avouer « sa trahison », les « aveux » de Diallo Telli » sont diffusés à la Radio, on y entend la voix méconnaissable de Diallo Telli « avouer » ni plus ni moins son appartenance à la Company, la C.I.A. et donner le nom de son agent recruteur qui n’est autre qu’henry Kissinger, Secrétaire d’Etat de Richard Nixon.
Pendant sa détention Diallo Telli entretiendra une correspondance épistolaire avec Sekou Touré qui ne cessera de lui reprocher sa trahison, dans sa dernière lettre du 13 Janvier 1977 à l’ancien héros de l’indépendance, Diallo Telli écrira : « Je suis à cheval entre ce monde régi par ton humeur et celui où Allah notre créateur commun nous attends tous les deux ».
Peu après, Diallo Telli sera placé en « diète noire », c’est-à-dire enfermé dans une cellule sans eau ni nourriture jusqu’à ce que mort s’ensuive. Le 1er Mars 1977, Diallo Telli est déclaré mort, toutefois selon Kapet de Bagna, ancien conseiller de Sékou Touré et co-détenu au Camp Boiro, Diallo Telli en état d’inanition en fait aurait tout simplement été enterré vivant. A ce jour nul n’a révélé l’emplacement exact de la sépulture de Diallo Telli…
Un des successeurs de Diallo Telli, sera présenté comme une alternative sérieuse au dictateur Togolais Gnassingbé Eyadéma : Edem Kodjo. Edem Cojo est diplômé de sciences économiques de l’Université de Rennes et de l’Ecole Nationale d’Administration (Promotion Blaise Pascal, 1964), membre de la Fédération des Étudiants d’Afrique Noire en France (F.E.A.N.F.) puis du Parti Togolais du Travail (R.P.T., parti unique) et secrétaire Général de l’OUA de 1978 – 1983. Après un long exil en France, il crée l’Union togolaise pour la démocratie (U.T.D.) au début des années 1990 et est le seul candidat à défier Le Général Gnassingbé Eyadema à l’élection présidentielle de 1993. Edem Kodjo finira par boycotter l’élection présidentielle la jugeant peu crédible, toutefois il deviendra en 1994, Premier ministre d’un gouvernement « d’union nationale », une formule dont les « démocraties » africaines raffolent.
Des anciens présidents de l’UA à la conquête de leur Nation
Actuellement, fait inédit, deux anciens patrons de la plus grande organisation panafricaine se présentent aux élections présidentielles dans leurs pays respectifs. Il s’agit d’Amara Essy pour la Côte d’Ivoire et de Jean Ping pour le Gabon.
Diplômé, entre autres, de l`Université de Carnegie Endowment for International Peace, Amara Essy est diplomate et haut fonctionnaire ivoirien ayant servi dans les plus grandes organisations et plus haut niveau : O.N.U., C.N.U.C.E.D., C.D.E.A.O. Dernier Secrétaire général de l’O.U.A. (2001-2003) Amara Essy est depuis très longtemps haut cadre du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (P.D.C.I.), ancien parti unique fondé par Félix Houphouët Boigny.
Actuellement en désaccord avec le président de son parti politique, Henry Konan Bédié, sur la question du soutien dès le premier tour du P.D.C.I. à l’actuel président de la Cote d’Ivoire Allassane Dramane Ouattara candidat à sa propre succession. Amara Essy croit en ses chances et peut - face à un Front Populaire Ivoirien qui peine à se remettre de la crise post-électorale de 2011et du transfèrement de Laurent Gbagbo à la Cour Pénale Internationale et à un P.D.C.I. aux multiples candidatures (Charles Konan Banny, Kouadio Konan Bertin) - tirer son épingle du jeu et rêver d’un deuxième tour face à Alassane Dramane Ouattara dont on peut désormais apprécier le bilan.
Pour Jean Ping, ancien président de la commission de l’Union Africaine, c’est une toute autre histoire. Face à la disparition de deux acteurs majeurs de l’élection anticipée de 2009 au Gabon, Pierre Mamboundou et André Mba Obame, l’ancien ministre des Affaires étrangères du Gabon est désormais en pole position pour être le principal adversaire du président Ali Bongo Ondimba à un an des présidentielles gabonaises.
Bénéficiant d’un nombre sans cesse croissant de soutiens et investissant de plus en plus le terrain, Jean Ping fort de sa stature, de son expérience et son intelligence politique pourrait occuper début 2017, le Palais Rénovation occupé par le Parti démocratique Gabonais (PDG) depuis sa construction en marge du Sommet de l’O.U.A. en 1977 brisant ainsi la malédiction qui semble planer sur tous ceux qui ont dirigé la plus importante organisation panafricaine et qui ont incarné ou aspiré être une alternative sérieuse aux dirigeants de leurs pays.
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