Confidences

Noureddin Bongo revient sur sa détention : lunettes espionnes, évasion et colère contre la France

Noureddin Bongo revient sur sa détention : lunettes espionnes, évasion et colère contre la France
Noureddin Bongo revient sur sa détention : lunettes espionnes, évasion et colère contre la France © 2025 D.R./Info241

En exil à Londres après 20 mois passés dans les geôles de la prison centrale de Libreville, Noureddin Valentin Bongo, fils de l’ancien président Ali Bongo, a poursuivi vendredi dernier son récit après les 2 premiers épisodes la veille. Dans la troisième partie de son entretien avec le London Standard, il revient sur un épisode inédit et controversé : l’introduction clandestine de lunettes équipées d’une caméra, destinées à prouver qu’il subissait tortures et mauvais traitements. Un pari risqué qui s’est retourné contre lui et son avocate, Gisèle Eyue Bekalé, soupçonnée d’avoir facilité l’opération.

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L’ancien coordinateur des Affaires présidentielles de la Présidence gabonaise, a expliqué vendredi à la presse anglaise avoir tout misé sur ce stratagème pour documenter sa détention. « J’ai demandé de simples lunettes, puis j’ai fait l’échange », raconte-t-il. Ces verres, banals en apparence, contenaient une minuscule caméra capable de filmer discrètement ses geôliers. « Je les portais tous les jours, même sans enregistrer, pour qu’ils s’habituent à me voir avec », ajoute-t-il.

 Des preuves secrètement enregistrées

Les images obtenues, que le Standard affirme avoir visionnées, sont lourdes de conséquences. Elles montreraient des gardiens reconnaissant des abus, des magistrats discutant ouvertement de son dossier et même une conversation privée avec le général Brice Clotaire Oligui Nguema, accusé par Noureddin d’avoir ordonné ses séances de torture, notamment des simulacres de noyade.

Les lunettes espionnes : entre preuves et dénégations

Éléments enregistrés par Noureddin Narratif officiel des autorités
Témoignages de gardiens reconnaissant des mauvais traitements. Le régime affirme que Noureddin était « traité dignement » en détention.
Vidéos de juges et procureurs évoquant des charges fabriquées. Version officielle : une procédure judiciaire régulière et transparente.
Conversation filmée avec Brice Clotaire Oligui Nguema, accusé d’avoir ordonné des sévices. Négation totale des accusations de torture, le régime rejette tout lien avec des abus.
Images des cicatrices et blessures visibles sur le corps de Noureddin. Le pouvoir parle de « mise en scène destinée à manipuler l’opinion internationale » .
Enregistrements remis à ses avocats et introduits dans une plainte en France. Les autorités gabonaises qualifient ces éléments de « fabrications et preuves illégales » .

« Nous savions qu’un jour la vérité sortirait », affirme-t-il, convaincu que ces preuves valent plus que de longs discours. Cependant, cette opération clandestine a rapidement déclenché des représailles. Son avocate, Gisèle Eyue Bekalé, a été encerclée par des militaires, contrainte de passer plusieurs nuits sur un canapé dans son bureau. Le régime voyait dans la diffusion partielle de ces enregistrements une tentative de déstabilisation et une atteinte à son autorité.

 Le poids du silence français

Noureddin, qui détient la nationalité française comme sa mère Sylvia, dénonce l’inaction de Paris. « Nous avons grandi en croyant que la France protégeait toujours ses citoyens », confie-t-il. Pourtant, il n’a reçu une visite consulaire qu’après cinq mois de détention, un délai qu’il considère comme une bénédiction pour ses tortionnaires. « Les Gabonais se disaient : très bien, ils ne viennent même pas le voir, nous pouvons continuer ».

Il accuse l’ambassadeur de France à Libreville, Alexis Lamek, d’avoir préféré préserver ses relations avec le général Oligui plutôt que de défendre ses compatriotes. « Il a détourné le regard. Je n’aurais jamais été torturé s’il avait eu la décence d’intervenir », déplore-t-il.

 La libération sous haute tension

Sa sortie de prison en mai 2025 fut le fruit de pressions internationales, mais aussi d’événements dramatiques. Sylvia Bongo aurait tenté de se suicider, tandis que son fils entamait une grève de la faim. Face au tollé, les autorités gabonaises ont négocié un départ vers l’Angola, puis Londres.

Avant de partir, les Bongo ont rencontré le général Oligui Nguema, une entrevue également enregistrée grâce aux fameuses lunettes. « Il nous a demandé de garder le silence une fois libres » , se souvient Noureddin. Dans la vidéo, il apparaît en train de remercier son bourreau potentiel, une attitude de façade pour éviter le pire.

 Une fuite digne d’un film

Le départ ressemblait à une scène de cinéma. Alors que l’avion s’apprêtait à décoller, il fut brusquement stoppé après que Sylvia eut refusé une photo exigée par les militaires. Ce n’est qu’après une seconde prise conforme que l’appareil put enfin quitter le tarmac. « Je pensais vivre Argo en direct », dit Noureddin, en référence au film racontant l’exfiltration de diplomates américains en Iran.

Arrivé à Londres, il a retrouvé sa femme Léa et leurs enfants. Mais malgré la joie des retrouvailles, il reste marqué par son expérience. « Parfois, je dois m’asseoir et ne rien faire, juste le vide », avoue-t-il, décrivant un stress post-traumatique toujours présent. Un sort que lui et son père reservaient aux opposants et à leurs détracteurs sans en mesurer ni le poids et les conséquences qu’il décrit abondamment comme pour s’acheter une virginité dans l’opinion.

 Un avenir incertain

Aujourd’hui, Noureddin ne cache pas sa rancune envers la France et ses doutes quant à son avenir. « Je ne sais même pas si je pourrai un jour remettre les pieds en Afrique », confie-t-il. Quant à un éventuel retour en politique, il s’en amuse presque. « Je ne vois pas comment », tranche-t-il.

Si les lunettes espionnes ont permis de fragiliser le récit officiel de sa détention, elles ont aussi contribué à accroître la méfiance autour de son entourage et à compliquer la défense de son avocate. Un pari risqué, qui illustre la guerre d’images et de récits que mène l’ancien premier fils du Gabon.

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